Mahogany Head Grenade - Return to the Point of Departure
Autoprod

Quelle belle découverte que ce groupe de Dallas (cette chronique a été écrite le jour du cinquantième anniversaire de l’assassinat du président Kennedy, ce qui constitue une coïncidence assez amusante il faut l’avouer). Le Prog américain se porte clairement bien. Citons entre autres Spock’s Beard, Tiles, Dream Theater, Magellan, Fates Warning, Planet X ou encore les albums solo de Derek Sherinian. L’approche « Jazzy » de ce trio puise ses influences chez Coltrane. Mais ils tiennent à préciser qu’ils font bien du Métal Progressif.

Nous sommes ici en présence d’un EP cinq titres qui est instrumental. Plus qu’une approche de circonstance, c’est la nature même du combo qui se veut instrumentale. Et ce type d’exercice est ô combien délicat pour toute formation se réclamant progressive. En effet, souvent chez les groupes « Prog » la mélodie et les voix allègent voire aèrent la complexité des morceaux. Car le Rock Progressif possède en lui ce paradoxe apparent : il se veut souvent mélodique ET complexe à la fois. Complexe par ses structures mais aussi par des choix et idées musicaux (heureusement) en décalage. Décalage et mélodies plutôt standards qui cohabitent avec plus ou moins de bonheur en fonction de l’artiste (et de l’album pris en considération). Avec l’absence de chants, une grande partie des vecteurs essentiels des mélodies disparaissent. Et c’est donc fort logiquement la guitare qui reprend (tout) le flambeau. C’est pourquoi il n’est pas usurpé de comparer cette réalisation à un album solo de John Petrucci (Dream Theater). Cette réalisation se veut donc très orientée guitare. Notons que le trio texan avait proposé au fabuleux chanteur Russel Allen (Subjectivité toute assumée de ces propos sur le chanteur de Symphony X) de les rejoindre. Avec un tel chanteur, le résultat aurait certainement été stratosphérique (je m’emporte). Mais le caractère instrumental du combo a depuis été parfaitement assumé.

Alors, évidemment, aux premières notes de l’album, Coltrane est difficile à déceler. On s’empresse donc de chercher du côté de la section rythmique et là on comprend mieux. Car c’est bien la section rythmique qui « mène la danse » de ce premier morceau. Nous constatons donc de façon évidente que la répartition des rôles est équitable entre la section rythmique et les guitares. Un peu comme pour le duo que Petrucci/Portnoy formaient il y a peu au sein de Dream Theater. Tel un corps composé de son squelette et de sa chair, cette redoutable mécanique progressive fait assurément mouche.

Le « groove » des Texans nous emporte, c’est clair ! Et à l’écoute de la première plage titre Return to the Point of Departure, le principal acteur de ce tourbillon musical, la guitare, se découvre à nous. Et ce aussi tranchante qu’une lame de rasoir ! Les guitares sont donc très acérées et on ne peut s’empêcher de penser au regretté (et génialissime) Dimebag Darrell (Pantera). Le jeu de Dan Hyer n’est pas sans rappeler l’extravagance du guitariste décédé. Influence du guitariste de Pantera il doit y avoir de par les mêmes origines géographiques des deux gratteux. Et ce n’est certainement pas un hasard si je suis amené à écrire le mot « groove » dans cette chronique tant il caractérisait également la musique des « Cowboys from Hell ».

Ce n’est qu’à l’écoute de Trouble for Trouble que Jazz Fusion frappe à la porte. La section rythmique y est à l’honneur. Au travers de son intro portée par une basse ronronnante. Mais également sur le reste du morceau construit suivant des structures Jazzy. Le jeu de batterie peut par moments rappeler celui d’un Mike Portnoy. L’urgence mais aussi une certaine forme de sérénité traduisant une identité déjà forte sont autant de signes d’un style musical déjà bien rodé. Ces musiciens savent définitivement tout faire. Dan Hyer ne cache clairement pas l’influence que l’auteur de Summer Song a pu avoir sur lui.

Vinedresser nous offre du « Steve Vai meets Joe Satriani ». Satriani pour les passages pêchus et Vai pour les sections plus calmes (moins nombreuses). Sections « Vaïesques » qui apportent non seulement une accalmie mais aussi un peu de second degré à l’affaire (un peu comme Steve Vaï sait le faire lorsqu’il fait « parler » sa guitare). Mais ces gars-là ne sont pas là pour rigoler. Et Etude War Machine constitue clairement la composition qui ressemble le plus à un album solo de Petrucci ou Satriani. Ici, de façon assez évidente, la section rythmique travaille pour la guitare. A l’instar du contenu des albums solos des deux guitaristes susmentionnés.

Dans la série des titres qui reflètent leur contenu musical, Venetian Brick figure certainement en bonne position. Morceau court qui n’en est pas moins une construction musicale à l’esthétique générale ma foi fort élégante.

Mahogany Head Grenade est un groupe musicalement ambitieux. Ces trois gaillards sonnent comme cinq. Des virtuoses qui n’en font pas trop. Ces remarquables musiciens donnent une impression de contrôle total sur leur musique. Ils ont un feeling incroyable et pourraient à coup sûr prendre une dimension supplémentaire avec un chanteur digne d’eux (Russel Allen ne serait pas un luxe).Ou pas, tellement le résultat en instrumental est abouti. Ces gars-là ont clairement une sacrée culture musicale qui se traduit par des choix pertinents, élégants et pleins de maîtrise.

Mahogany Head Grenade ou une des valeurs sûres du métal progressif à en devenir.

Ignacio