Black Messiah - The Final Journey
AFM Records

Fondé en 1992, le groupe allemand s’empresse de rendre hommage à ses idoles du Black Metal mais finit rapidement par apporter sa propre griffe au genre y apposant une touche folk qui va rapidement devenir assez prépondérante dans leur musique. Leur première œuvre SPECTRES OF BLACK KNOWLEDGE sort en 1998, suivi en 2005 par OATH OF THE WARRIOR. Ils arpentent les scènes, en partie aux côtés des Irlandais folk de CRUACHAN et le succès aidant, ils passent chez AFM qui s’occupera des galettes suivantes OF MYTHS AND LEGENDS (2006) puis FIRST WAR OF THE WORLD (2009). Aujourd’hui les six musiciens teutons nous livrent leur sixième opus qui s’avère aussi un concept-album.

Ouverture toute en orchestration avec un Windloni somme toute assez classieux et classique. Une mise en appétit qui s’impose lentement mais surement avant que le chant agressif de Zagan ne s’impose, un chant magnifié par la langue de Goethe mais aussi par les superbe interventions plus symphoniques que Black. Si on retrouve une touche Black, c’est presque à dose homéopathique dans le duo rythmique basse batterie : Garm et Brööh. Passé le pont royalement folk, le titre plonge enfin dans une déferlante bien virulente propre au genre mais toujours accompagnée de cette caractéristique folk.

Introduction au violon pour le Der Ring Met Dem Kreuz qui fleure bon le folk tendance MÄGO DE OZ si ce n’est que la sonorité de la langue offre une autre dimension sonore que la touche Cervantes. Mais l’ambiance, bien que pesante reste festive et on ne peut s’empêcher de vouloir lever la chope d’hydromel qu’on imagine à notre main. Un chant tempéré prend la relève avant que la glotte gutturale ne fasse à nouveau parler d’elle sur les blast beat rageurs. La valse des instruments continue puisque le violon pleure à nouveau sur ses cordes dans une ambiance plus mélancolique qui s’achève en sarabande. Bref, au cours de cette longue épopée, c’est clairement le côté folk qui remporte la palme. On est à peine à la deuxième plage et la leçon est déjà magistrale. Les bases de ce qui va suivre sont posées.

Le groupe va donc poursuivre son récit sans trop s’éloigner de la recette concoctée précédemment. Petite incursion du côté de Shakespeare avec To Become A Man, puisque seule la langue permet au titre de se démarquer vraiment. La bande instrumentalise alors à tout va avec une fabuleuse reprise de CANDLEMASS Into The Unfathomed Tower, histoire de rendre hommage à leurs inspirateurs.

Le tempo se fait plus lourd et noir avec un Feld Der Ehre noir à souhait. Sur un tempo lent, une mélodie envoutante ouvre la voie à un chant âpre. Le violon se taille la part du lion laissant les autres instruments en retrait, et toujours cette rythmique typiquement Black qui heureusement n’étouffe pas les autres instruments. Gros plongeon dans le Black avec des riffs un rien arabisant pour un Lindisfarne incisif. Mais le titre arbore fièrement ses consonances Black avec un chant particulièrement agressif et des hurlements meurtriers.

Douce mélodie acoustique pour introduire la pièce maitresse de l’album The Nalfgar Saga. La première partie Prologue The Final Journey est donc un récit parlé simplement accompagné par une douce musique mélancolique. Le voyage prend de l’ampleur avec un Mother où (est-ce le hasard ?) la voix opte pour une sonorité moins black et un peu plus gothique comme si les Allemands avaient, un court moment, voulu rappeler le Mother de DANZIG. Mais rapidement, le naturel black reprend les rênes en mains, blast beast de la batterie, chant guttural, et guitares accélérées. Un pont permet une légère accalmie avant la reprise du chant modéré. Par la suite, c’est un chant féminin qui vient adoucir l’atmosphère et introduire les violons radicalement folks. Sans surprise, mais efficace. Le On Board qui enchaîne ne se démarque guère de cette formule. La dernière partie Into Eternity commence par des chœurs qui déversent rapidement un chant plus agressif accompagné des guitares. Les deux types de voix s’alternent alors sur des guitares sans distorsion pour le chant calme, plus acérées pour les hurlements. Paradoxalement, la pièce majeure de l’album nous a moins enflammé que le reste car nettement plus Black.

A l’époque du vinyle, le concert aurait tenu sur une face tandis que l’autre aurait vu la myriade de plages ‘solitaires’. L’album se divisant ainsi clairement en deux parties assez distinctes, tentant alors de toucher différents publics. Néanmoins, les amateurs de folk auront peut-être quelques difficultés à adhérer totalement aux pièces estampillées « pure black ». Pour ceux qui aiment les œuvres qui naviguent entre deux eaux.

Mr Spok