Nightwish - Imaginaerum
Nuclear Blast

La question de la survie du groupe après le départ de la chanteuse Tarja Turunen s’est posée dès que la nouvelle eut été apprise. Force est de reconnaître que le remplacement de la fabuleuse vocaliste ne s’est pas traduit par un Waterloo napoléonien (parce que pour les Anglais, Waterloo, c’est dans le rayon positif). Tout d’abord parce que la brave chanteuse ne composait pas un fifrelin de titre, mais que tout était issu de la plume du fondateur et clavier du groupe Tuomas Holopainen. Ensuite parce que la puissance des titres ne tenaient pas que dans les qualités vocales de la chanteuse. En outre, depuis l’arrivée de Marco Hietala à la basse, le groupe jouait aussi royalement sur les contraste de voix masculine et féminine et que ce point là a été conservé. Sans oublier les comparses depuis toujours que sont le fabuleux guitariste Emppu Vuorinen et le marteleur de fûts Jukka Nevalainen. Bref, le suicide, tant redouté et parfois annoncé, a fait autant de flammes qu’un pétard mouillé et malgré les avis négatif, la suédoise Anette Olzon a réussi à imposer sa place au sein du groupe. Et même si son chant, nettement plus commercial, craint en live sur les anciens titres, (j’ai encore des cauchemars d’un Come Cover Me qui fait souffrir), force est de reconnaître que son chant s’intègre parfaitement aux titres composés pour DARK PASSION PLAY. Ne négligeons surtout pas non plus l’importance du chant du bassiste Marco Hietala qui contraste fabuleusement avec la chanteuse, le nombre de ses interventions prouve qu’il ne fait pas que de la simple figuration. Cette fois-ci le maître d’œuvre nous a concocté un concept album racontant l'histoire d'un homme âgé qui croit qu'il est encore un jeune garçon.

Oublions rapidement l’introduction Taikatalvi, pour se plonger dans un Storytime fabuleux qui met directement les pendules à l’heure. C’est Metal, symphonique, lyrique, costaud à souhait. On retrouve tous les ingrédients qui ont toujours fait mouche chez NIGHTWISH. Une mélodie lancinante au clavier, un riff simple et efficace, une batterie bien sèche, un chant rapide et des chœurs d’opéra. La totale des trucs tirés du chapeau du compositeur. Prévisible, sans doute. Imparable, certainement. Le quintette nous remet les couverts pour un deuxième service intitulé Ghost River où le choc des voix masculine et féminine fait mouche sans forcer. La construction de la plage ressemble énormément à celle du titre Amaranth de la galette précédente, mais ça tient royalement la route.

Passé ces deux titres conventionnels, le groupe se permet de prendre un virage radical avec l’ambiance cabaret jazzy de Slow, Love, Slow. Surprenant et envoûtant à la fois avec une ligne de piano qui fait un peu référence au film « The Piano » de Jane Campion. Tous les instruments s’avèrent feutrés, la voix, douce et quasi murmurée, prend la place prépondérante. La guitare solo nous entraîne sur des contrées jusqu’à présent inexplorées. Et quelques montées énergiques viennent épicer cet étrange menu. Le final s’étire longuement sur le son des secondes d’une horloge. Pour nous réveiller, la bande ressort ses vieilles recettes, gros riff, grosse rythmique, contraste des voix avec I Want My Tears Back, mais agrémente son Metal d’une mélodie folk absolument fabuleuse. Jeu, set et match, et on a à peine écouté cinq titres.

On plonge dans un univers très musique de film avec Scaretale. La voix de la chanteuse prend des airs de Cruella De Vil qui aurait respiré de l’Hélium. Lorsque le bassiste prend le relais, on ne peut s’empêcher de penser à Tim Burton puisque, musicalement, on devine l’influence du Dany Elfman de THE NIGHTMARE BEFORE CHRISTMAS. Ce titre totalement inattendu, prouve que OUI, NIGHTWISH peut encore nous surprendre. Magique. Un interlude instrumental légèrement orientalisant avec Arabesque pour calmer le jeu et on repart sur un Turn Loos The Mermaids franchement tempéré où la voix et la mélodie au clavier se taillent la part du lion, tandis que la petite partie symphonique fait quant à elle penser un peu à ENNIO MORRICONE. Le titre s’achève sur une sorte de gigue médiévale.

Un tempo lent démarre Rest Calm, mais l’électricité vient rapidement donner le ton tandis que le bassiste s’empare des premières mesures du chant. Le titre nous la joue montagne russe avec montée énergétiques, passage de transition et moment d’accalmie où la voix d’Anette fait merveille. Ce jeu assez télégraphié fonctionne plutôt bien. Le solo, tempéré également, reste dans l’ambiance feutrée de la plage qui aurait pu ne pas s’éterniser aussi longtemps. S’ensuit une ballade acoustique The Crow, The Owl And The Dove. Sympathique, le morceau n’oublie pas la monté énergétique traditionnelle agrémentée d’un passe un rien folk, mais cette succession de plages moles nous refroidit un peu.

Les chants wagnériens et les riffs efficaces de Last Ride Of The Day nous sortent de la torpeur qui menaçait de s’insinuer. Petite envolée rapide pour réveiller le metaleux qui a failli mettre les voiles auparavant. Rien de bien neuf, mais du franchement bon qui invite à la fête, le tout agrémenté d’un solo efficace.

Embarquez dans la pièce maîtresse de l’album, 13 minutes de bonheur : Song Of Myself. On y retrouve tous les éléments qui accompagnent la griffe du compositeur. Même si la surprise n’est pas vraiment de la partie, la plage passe avec brio d’un registre à l’autre. Un long, trop long, final parlé vient clôturer cette déferlante. Mais après tout le groupe raconte une histoire, il s’avère donc normal que ça cause quelque peu. Dommage quand même d’ainsi souffler le chaud et le froid.

Et on termine par la plage titulaire un instrumental orchestral qui reprend la mélodie de StoryTime, de ScareTale entre autre. Une sorte de compilation/conclusion de ce qu’on vient d’écouter.

Bref, avec cette septième galette, NIGHTWISH poursuit son aventure, haut la main. Alors que la précédente œuvre nous avait laissé sur notre faim, celle-ci regorge de surprises qui font mouche et qui nous conduisent sur des contrées jusqu’à présent inexplorées, non sans éviter de-ci de-là les défauts majeurs des « concepts albums ». Non, ce n’est pas aujourd’hui que nous écrirons l’oraison funèbre de la bande. Ils sont en pleine forme et cet album regorge de vie et d’énergie.

Mr Spok

8.5/10