Rhapsody Of Fire - From Chaos To Eternity
Nuclear Blast

Les fondations de RHAPSODY ont été établies en 1995 par le guitariste Luca Turilli et le claviériste Alex Staropoli. Il faut attendre quelques années avant qu’un line-up stable n’enregistre le premier album Legendary Tales avec Fabio Lione au chant, Daniele Carbonera à la batterie et Sascha Paeth à la console. Ce dernier, musicien au sein du groupe HEAVEN’S GATE prendra en charge toutes les parties de basse. Et le style, qu’on peut qualifier de différents noms allant du Metal Symphonique à l’Epic Power Metal, s’impose directement auprès d’une frange non négligeable du public Metal, le guitariste insiste de son côté pour qualifier son œuvre de « Hollywood Metal ». Le line up se stabilise pour l’album Symphony Of Enchanted Lands avec l’arrivée du bassiste Alessandro Lotta. La galette qui suit, en l’an 2000, pousse encore un peu plus fort sur l’accélérateur : Dawn Of Victory est un brûlot imparable. Une tournée hallucinante aux côtés de Stratovarius et Sonata Arctica voit l’arrivée du batteur allemand Alex Holzwarth. Pour faire patienter ses fans avant l’album suivant, le groupe lâche une mini galette de 42 minutes (encore heureux qu’il ne s’agit que d’un mini-album) Rain Of A Thousand Flames où un retrouve une pièce épique extraordinaire basée sur La Symphonie Du Nouveau Monde de Dvorak, illustrant de main de maître toute la passion des Metaleux de Rhaspody pour la musique classique. En 2002, c’est alors le quatrième album des Italiens Power Of The Dragonflame qui conclut la saga de « L’épée d’émeraude ». Arrivent alors dans le line up, les français Dominique Leurquin à la deuxième guitare et Patrice Guers à la basse.

Le groupe change alors de label pour profiter de la machine de guerre qu’est SPV. Ils sortent alors Symphony Of Enchanted Lands Part II - The Dark Secret qui bénéficie, outre l’apport d’un orchestre symphonique, de la présence de Sir Christopher Lee (Mister Dracula et Saroumane himself). En 2006, le groupe est obligé, pour de raisons de copyright de changer de nom en Rhapsody Of Fire, ce qui a le don d’énerver les fans. Et les mésaventures ne s’arrêtent pas là pour les musiciens, forcés d’annuler une tournée pour cause de problèmes avec son management. Le groupe désormais autant européen qu’italien, signe alors chez Nuclear Blast autre grosse pointure de la production Metal. L’album The Frozen Tears of Angels sort en 2010, rapidement suivi par une autre galette, un mini album, (toujours aussi riquiqui) de 35 minutes, The Cold Embrace of Fear, qui n’est en réalité composé que d’un seul titre. Aujourd’hui, ils nous livrent leur nouvel album From Chaos To Eternity qui marque l’arrivée du guitariste Tom Hess de HOLYHELL.

Introduction instrumentale forte en guitare de Ad Infinitum pour soutenir la voix de Sir Christopher Lee qui vient lancer les chœurs d’opéra. D’emblée on est saisi par la nouveauté, toutes les introductions précédentes s’alignaient sur un univers résolument classique pour déboucher sur du Metal pur jus, ici, la transition est inversée. Simple mais profondément efficace. Lorsque s’arrêtent les voix féminines, les choses sérieuses peuvent commencer.

Et la page titulaire de laisser parler la poudre, pardon la guitare, la voix de Fabio Lione fait une légère apparition avant que le clavier ne prenne également sa place. Les instruments s’éclipsent à l’exception du piano et de la voix. Puis tous reviennent dans la dance, efficace, profondément marqué. C’est du Rhapsody grand cru qui allie encore une fois avec bonheur mélodie classique et tempo métaleux, riffs sanglants et pianos, soli hallucinants et rythmique chevaleresque. Le fan est donc en terres connues. Pour ceux qui ne connaissent pas encore le groupe, l’intro et From Chaos To Eternity définissent immédiatement le type de Metal dans lequel évolue le groupe.

Retour vers le classique avec Tempesta Di Fuoco qui fleure bon l’opéra à l’Italienne, le tout à la sauce épicée Rhapsody. Comprenez qu’on ne s’y ennuie pas un seul instant, tant les interventions, nombreuses, des guitares et des claviers s’avèrent majestueuses, et même plus tueuses que majestes d’ailleurs. Au passage ne négligeons pas le mur rythmique sur lequel viennent s’appuyer toutes ces tornades de, bonnes, notes.

La formule ne va pas fondamentalement changer sur les plages suivantes, mais après tout on ne leur demande pas de faire du Grunge ou du hard ricain. Cependant si les riffs prennent une connotation plus thrash dans l’introduction de Ghosts Of Forgotten Worlds, cette impression se voit contrebalancée par la voix bien tempérée du chanteur, avec quelques notes de piano, et des riffs épars qui soulignent l’importance du silence en musique. Le groupe joue magnifiquement sur les contrastes. Et ce titre s’avère une véritable armoire à tiroirs en tous genres : alternance moments forts et passages calmes (comme dans le Grunge, mais en nettement mieux), spaghettis de doigts sur le manche à la Joe Satriani/Steve Vai, envolée orientales de la guitare, accélération symphonique, passage tempéré, guitares fines qui finissent en explosion, claviers et soli se complètent parfaitement avant les chœurs finaux. On finit par se demander comment il est possible d’aligner autant de styles différents dans un unique morceau d’à peine cinq minutes trente.

Accalmie printanière et champêtre avec Anima Perduta. Le tempo est résolument lent, les guitares discrètes, l’énergie aux abonnés absents pendant presque les deux premières minutes. Quand l’énergie pointe son nez le temps d’une envolée lyrique, le tempo reste modéré. Un titre idéal pour ne pas effrayer un papillon. Un bon moment de respiration avant ce qui suit.

La basse bourdonne, le clavier suit, la batterie enchaîne, les guitares rejoignent la tempête avant que le chant ne s’immisce dans cette déferlante Metal qui fait beaucoup penser à Annihilator. La batterie opte pour une rythmique proche du Black, la voix oscille entre l’agressivité proche du Thrash et le lyrisme qu’on lui connait habituellement, pour ensuite prendre un tournant plus Black Metal. Encore une fois, c’est un titre de type Matriochka, on découvre une couche et puis encore une autre, et une autre. Bref Aeons Of Raging Darkness regorge de bonnes surprises, dont le solo de guitare.

Les voix se mettent à l’avant plan pour l’introduction de I Belong To The Stars qui prend le contrepied de la plage précédente. Les guitares accompagnent un chœur composé de multiples voix masculines et féminines. Elles se mettent en retrait lorsque le chanteur se retrouve seul avec le clavier et une guitare très discrète. Puis tous les instruments et les voix se retrouvent au premier refrain où l’électricité donne du volume à l’ensemble. La même formule se poursuit pour le couplet-refrain suivant qui introduit un superbe, mais très court, jeu de réponses entre le clavier et la guitare. Le groupe a le chic pour jouer sur les variations et ce titre ne fait pas exception à la règle.

Introduction classieuse et grandiloquente à souhait pour Tornado avant qu’un riff assassin prenne la relève pour introduire le chant. Encore une fois, tous les instruments, de la rythmique aux multiples voix, ont droit à leur temps d’exposition, le tout dans un déferlement déchaîné de Metal lyrique. Le morceau connaît une accalmie où s’illustre une flûte juste avant que Luca Turilli ne se défoule sur son manche pour un solo très court mais tout aussi fascinant que le reste de la plage.

Ceci nous conduit donc de mains de maîtres (plusieurs musiciens de cet acabit, cela fait donc des mains de maîtres) vers la pièce de résistance de cette galette royale. Et malgré sa longueur anti-radiophonique, près de vingt minutes, il y a là largement de quoi se pourlécher les babines. C’est un vent sifflant qui accompagne la voix de Sir Lee avant que ne retentisse les notes d’une guitare sèche moyenâgeuse pour soutenir le chant en italien de Fabio, cette douce mélopée étant bientôt agrémentée d’une flûte. Des chœurs rejoignent le chanteur pour une légère envolée qui nous conduit à un second couplet qui se verra lui agrémenté du son des fûts. L’introduction s’achève nous pouvons donc aborder le vif du sujet. La symphonie démarre sur les chapeaux de roues. La batterie impose un rythme d’enfer à l’ensemble. Les guitares font merveille et ce sont de mini soli qui viennent soutenir le chant. Les chœurs tiennent ensuite le haut du pavé jusqu’au deuxième couplet. Des background vocals de type black rajoute une touche malsaine au titre. On est à peine au tiers du morceau que la messe est dite, jeu set et match, impossible de ne pas être séduit par une telle pièce d’orfèvrerie. La pièce se poursuit dans des méandres grandiloquents auxquels les fans sont habitués : claviers, guitares, chœurs.

Premier intermède classique. A nouveau c’est la voix du Compte Dracula qui accompagne le mouvement modérato des guitares. Modérato mais pas trop puisque le tempo s’accélère dans de classiques déferlements « turilliens ». Le déferlement de notes et les voix des personnages qui se font entendre nous rappellent qu’il s’agit de « Hollywood Metal ». Le récit prend le devant de la scène puis cède la place aux musiciens, les guitares et la batterie se déchaînent, les voix en arrière plan prennent des intonations black. Puis la mélodie à la guitare évolue vers une ambiance folk avant que la voix du narrateur poursuive le récit. Ensuite, les chœurs reprennent l’avant plan pour introduire Fabio Lione. Puis c’est un dernier refrain qui clôture cette seconde partie avant un final de plus de trois minutes qui mélange le parlé des personnages avec la symphonie puissante mais non Metal du morceau. Et lorsque les personnages principaux se taisent, le narrateur, Christopher Lee nous assène la conclusion du récit.

Encore une fois, Rhapsody Of Fire montre la maîtrise totale de son art. L’adjonction de Tom Hess à la bande a permis au groupe de rajouter de nouveaux éléments à son tableau, l’alchimie est totale. En clair, après plus de quinze années d’existence, le groupe arrive encore à surprendre et à rajouter des petites touches, inédites jusqu’à présent, de ci, de là. Alors oui, From Chaos To Eternity n’est pas une révolution par rapport au passé de la bande, mais cette galette représente une éclatante confirmation de leur talent. Et un excellent moyen pour ceux qui ne connaissent pas la bande à Turilli pour faire sa connaissance.

Mr Spok