Mägo De Oz - Gaia III : Atlantia
Warner Music

Groupe quasi inconnu en nos plates contrées, MÄGO DE OZ est une superstar dans le monde hispanophone metallophage, à l’image d’un IRON MAIDEN, excusez du peu. Formé en 1989 à Madrid, le groupe est alors sextette qui regroupe un chanteur, deux gratteurs, un bassiste, un batteur et un violoniste qui est à ce moment-là l’unique griffe folk du groupe. Ils sortent leur première galette éponyme en 1994. Les choses s’accélèrent en 1996 pour JESUS DE CHAMBERI, concept album qui voit la venue du chanteur José Andrea, un Bolivien qui a toujours vécu en Espagne. Et un changement de guitariste. Deux ans plus tard, c’est l’œuvre de Cervantes qui sert de fil rouge à LA LEYENDA DE LA MANCHA. On y voit aussi pour la première fois la signature de l’illustrateur Gaboni qui va rapidement aussi devenir un signe distinctif du groupe par ses outrages visuels (sexes masculins et féminins abondent sur ses dessins), ainsi que les références aux influences du groupe (donc regardez les pochettes, bande de paresseux).

La suite, c’est le chef d’œuvre de l’an 2000, la claque, l’indispensable, le magistral, un double album intitulé FINISTERRA. Sans conteste, le plus grand album du groupe. Se rajoutent à la joyeuse bande un clavier et un flûtiste, ce que porte à huit le nombre de musiciens. Le groupe gagne ainsi définitivement une étiquette de Celtic Folk Metal Espagnol, ce qui fait beaucoup de qualificatifs rajoutés au mot Metal, vous en conviendrez. Mais chacun d’eux est par ailleurs largement justifié. La suite, c’est un double LIVE Fölktergeist (vu, le jeu de mot ??) en 2002. Le groupe est définitivement au sommet de son art.

Suivent alors les albums GAIA en 2003, l’album est accompagné d’un CD retraçant l’histoire de sa création et GAIA II : La Voz Dormida en 2005 qui voit l’introduction d’un troisième guitariste (toute ressemblance avec un légende britannique serait pure coïncidence). Alors que GAIA avait souffert de suivre une bombe telle Finisterra, sa suite, encore un double album, atteint également des niveaux himalayens. Et sera également suivi d’une épreuve captée en public (et en vidéo) : Madrid – Las Ventas qui sortira également en 2005.

2007 voit La Cuidad De Los Arboles débarquer, le groupe aligne à présent dix musiciens, et leur musique est toujours aussi géniale, contrairement ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas une soupe. Et en 2010, le groupe clôture sa trilogie avec Gaia III Atlantia. Décryptage en règle de trois.

Comme à l’accoutumée, c’est une longue introduction parlée qui ouvre les hostilités. Si le processus ne manque pas d’intérêt pour ceux qui maîtrisent la langue de Cervantès, El Latido De Gaia ne convainc pas et son aspect de journal radio-télé suivi de ce qui s’apparente à un générique d’émission finit par lasser. Il faut attendre plus d’une minute avant que les guitares rentrent en scène mais cette introduction, avec ses sonorités électroniques, ne convainc pas réellement.

Un clavier particulièrement calme introduit Dies Irae, suivi par une flûte tout aussi délicate que le violon rejoint bientôt pour laisser la voix de José entamer le début de l’aventure GAIA III : ATLANTIA. Que l’album commence sur un air de balade n’est guère encourageant, surtout après une ouverture aussi lamentable. Mais c’est mal connaître nos amis hispanophones car le groupe nous attend au tournant d’un interlude de type musique classique symphonique. Et c’est parti pour plus de 9 minutes de bonheur tel que les magiciens madrilènes savent le concocter. Les guitares s’emballent pour accompagner des voix féminines, et on appuie sur l’accélérateur, on est enfin dans le vif du sujet. Les autres instruments sont aussi de la partie, flûte, le duo basse-batterie. Le groupe étale sans forcer tout son savoir faire, avant de laisser les soli prendre la parole dans des duels interminables, le tout parsemé de musique classique. En un titre, tout est dit. On est conquis.

Changement d’ambiance pour Für Immer où la bande se lance dans un tempo bien lourd à la façon « panzer » (mais avec un titre pareil, rien d’étonnant) qui prouve que MÄGO DE OZ possède toujours le chic, le style et le talent pour varier les ambiances. Le genre de titre qui vous donne envie de sauter sur la table et de chanter le refrain. Dans Vodka & Roll, on embarque dans une gigue endiablée du genre Metal bibine et grosse guindaille, ‘on rit, on boit et on chante’. Violon, flûte, gros riffs, chant énergique, refrain entraînant. Ceux qui sont montés sur la table au titre précédent y resteront pour cette perle plus vivifiante que certaines boissons énergétiques. D’après certaines sources très informées, ce titre aurait été inspiré par l’écoute de IN EXTREMO, ce qui confirme que les musiciens ont de bons goûts. Olé, si j’ose ainsi m’exprimer.

Le groupe change alors d’ambiance pour nous laisser souffler avec El Principe De La Dulce Pena. Où les instruments prennent chacun à son tour le premier plan, voix masculine, voix féminine, guitare, piano. Le tout sur un air un peu mélancolique mais particulièrement prenant. Un titre classique donc. Gros riffs d’ouverture pour Mi Hogar Eres Tu, lorsque les guitares se font discrètes, la voix de José se positionne au premier plan, quasi seule. Ce n’est que pour le refrain que tous s’y mettent, il faudrait plus qu’une paire d’oreilles pour presque tout capter. Un pont magistral avant que le chanteur n’entame le second couplet. Et puis de nouveau refrain avec toute la bande. Deux titres de facture très classique et cependant toujours aussi efficaces.

Changement d’ambiance, le violon donne une connotation très folk à Fuerza y Honor (El Dorado) un instrumental particulièrement réjouissant lorsqu’il prend une tournure Heavy à l’occasion du solo de guitare. S’ensuit une intervention de la basse accompagnée exclusivement de la batterie avant que la guitare remette le couvert. Puis que le clavier s’empare de la mélodie. Encore une fois, il s’agit d’un titre à tiroirs où les ambiances sont aussi nombreuses que les instruments.

Surprenant qu’un titre tel El Violin Del Diablo commence aussi légèrement, emporté par la voix de la chanteuse Patricia Tapia. On s’attendait plus à une explosion directe (faut quand même pas vous le traduire, non plus) qu’à un démarrage aussi feutré. Des guitares bien carrées prennent alors la relève. Un léger moment d’accalmie avant le second couplet qui annonce l’explosion, la voix se fait de plus en plus énergique avant que n’intervienne un interlude de type classique, la voix monte dans les aigus pour rejoindre la flûte. Et c’est encore la chanteuse qui revient au premier plan sur ce titre où on n’entend pas du tout José.

Ballade de rigueur avec Siempre (Adios Dulcinea), ambiance feutrée, voix masculine posée avec douceur sur une superbe mélodie, on pourrait presque parler de slow de l’été si c’était la saison et si la plage ne connaissait pas une montée énergétique en son milieu. Si les guitares s’électrifient, le tempo ne bouge pas, le solo est une agréable promenade assez courte pour permettre aux voix de reprendre de plus belle jusqu’à la fin.

Quelques notes calmes du violon et du clavier avant que Mis Demonios n’explose en adoptant une mélodie puissante et lancinante. On se croirait presque chez les Sisters Of Mercy. La voix modérée permet aux instruments de ressortir lorsque la chanson prend un tournant plus énergique. Avec Que El Viento Sople A Tu Favor, on retrouve le folk Metal auquel les fans sont habitués. Rien de plus, mais certainement rien de moins, un titre qui pourrait figurer sans honte sur n’importe quel autre galette des Espagnols. Pour ceux qui découvrent le groupe une plage représentative de ce dont les magiciens sont capables.

Ambiance flamenco avec l’introduction de Suenos Dormidos avant que l’électricité ne reprenne ses droits sur un mid-tempo où voix masculine et féminine vont se partager le chant sur une mélodie envoûtante aux ambiances variées au rythme typiquement hispanique. Le solo, même s’il opte pour l’électricité se complait dans les gammes espagnoles pour introduire un nouveau refrain bien énergique où de grosses guitares entourent la mélodie principale et accompagnes les deux voix, celle de José étant mise à l’avant plan. Une fin toute en montée d’adrénaline. Introduction à la flûte pour Todavia Amanece Gratis qui nous offre ainsi un petit clin d’œil à Jethro Tull, pour une gentille mélodie avec un duo piano-voix, où les autres instruments restent dans l’ombre, tandis que les voix se partagent le chant. Une ambiance feutrée à tendance jazzy de soirée mondaine.

Retour dans l’univers folk tendance grosse rigolade, avec La Soga Del Muerto(Ayahuasca). La voix et la mélodie semblent sorties d’un dessin animé. Un break au piano qui nous donne l’impression d’être dans un film muet, quelques bruitages qui font penser au SERGENT PEPPERS des BEATLES. Un interlude des plus étrange sur un album de Metal, mais le titre fait mouche par son ambiance complètement décalée. Ce qui nous permet de souffler avant le duo de conclusion de l’album.

L’interlude comique est terminé, La Ira De Gaia nous offre un bon riff de guitare hurlante avec un chant bien rude. Le titre résonne bien évidemment, avec le son écorché des cordes, comme un cri de colère. Cette œuvre en trois tableaux bénéficie d’une accalmie dans cette fureur contenue par un long interlude aux instruments discrets qui font ressortir la voix de José puis celle de Patricia. Au dernier tiers de la plage, les guitares explosent dans un solo déchaîné, la colère contenue éclate avant le dernier mouvement d’énergie.

L’album se termine alors sur Atlantia, pièce maîtresse de 19 minutes. Une ouverture grandiloquente, musique classique et chœurs, du genre symphonique. Une voix posée accompagnée d’une guitare sèche prend le relais, la flûte vient se glisser dans la mélodie pour remplacer le chant. Avant celui-ci ne reprenne avec d’autres chœurs. Puis lorsque le chant s’arrête à nouveau, c’est le violon qui fait son apparition avant le deuxième couplet. Un nouveau break où la basse se déchaîne, bientôt rejointe par le piano, le chant et les guitares. L’atmosphère classique du début a cédé la place à une ambiance plus jazzy.

Un chœur féminin finit par remplace les mâles envolées vocales. Lorsqu’il s’éteint, la flûte et le piano se réinstallent en première position, suivis par un très court pont de facture on ne peut plus classique. Avec un clin d’œil vers le premier titre Gaia de l’opus I. Et enfin, la totalité des instruments se déchaînent après cette longue et magnifique introduction de plus de six minutes.

En plein cœur de la tempête, on retrouve tous les ingrédients qui ont permis aux musiciens de gagner des légions de fans : musique captivante, multiplicité des sons par l’utilisation d’une kyrielle d’instruments, gros riffs, rythmique carrée, voix puissante, chœurs lyriques. La tête du headbanger se secoue sans qu’il ait à se forcer pendant que ses pieds battent la mesure et que ses doigts parcourent un manche imaginaire. Bref, et en un mot : Metal.

Passé la moitié du titre, c’est la flûte, épaulées d’un rythmique bien carrée, qui est mise à l’avant reprenant le thème mélodique principal, puis les guitares se déchaînent et c’est un son de cordes étouffées qui vient soutenir un clavier de style « Deep Purpulien » avant qu’un premier solo ne se déverse dans nos pavillons. S’ensuit un refrain très énergique qui laisse ensuite la place à une ritournelle folk dansante qui nous expédie dans un autre univers. Avant que ne retentissent à nouveau la mélodie principale, les guitares, le violon, la batterie et un son bien métallique. Un dernier baroud d’honneur avec un déchaînement de tous les instruments comme savent si bien le faire les MÄGO DE OZ. A moins d’être tétraplégique, impossible de rester de marbre devant un tel déferlement d’énergie.

Ce qui nous conduit vers le dernier quart de la pièce de résistance de l’album. On revient à un univers plus aseptisé, avec « voix off » soulignée par un piano léger. Et termine sur le son d’un cœur qui finit par arrêter de battre.

Bref, avant de pouvoir classer ce magnifique album aux côtés d’un FINISTERRA, il faudra laisser le temps faire son œuvre, mais ceci ne doit pas vous arrêter, GAIA III : ATLANTIA est un superbe album qui nous livre tous ce qu’on attend de la bande de Txus Di Fellatio, batteur et principal compositeur du groupe.

Si vous avez réussi à lire ceci jusqu’au bout, MÄGO DE OZ est pour vous.

Mr Spok

9.5/10