Extreme - Take Us Alive (Boston 2009)
Frontiers Records

Au rayon « Has Been sur le retour », nous appelons à la barre : EXTREME. Le groupe a vu le jour en 1985 dans le Massachussetts. Leur premier méfait, un album éponyme qu’ils décrivent eux-mêmes comme du Funk Metal, sort en 1989. L’outrance est maximale en 1990 avec leur deuxième opus Pornograffitti, qu’ils ont d’ailleurs confié à une personne connue pour ses liens dans le milieu du Metal : MICHAEL WAGENER (qui a travaillé avec cette grosse pointure du Metal US : DOKKEN).

Les titres Decadence Dance et Get The Funk Out sortent en single, le groupe s’offre le luxe de gagner une solide réputation dans le monde du Metal. Humour, dextérités, énergie. Une rythmique efficace du duo basse PAD BADGER et batterie PAUL GEARY qui vient soutenir le chant fabuleux de GARY CHERONE et la guitare virtuose de NUNO BETTENCOURT. Tout y est. Mais c’est avec le troisième single que le groupe va connaître une notoriété mondiale : la ballade acoustique More Than Words. Et le groupe poursuit avec une seconde guimauve dans la même veine : Hole Hearted.

Ainsi donc le groupe se fait connaître du grand public par deux titres mous, de jolies mélodies, certes, mais pas grand chose de Rock ou de Metal. La suite de leur histoire prouvera qu’il n’est jamais judicieux de se couper de sa base de fans. EXTREME participe alors en 1992 au FREDDIE MERCURY TRIBUTE, ce qui leur permet de toucher encore plus de monde. Et c’est vraiment là que tout le monde s’incline devant les qualités des musiciens. Ensuite sort leur troisième album : celui qui devait les propulser vers les sommets. Mais Three Sides To Every Story, dont une partie a été enregistrée au studio ABBEY ROAD, s’avère beaucoup trop prétentieux et c’est l’échec commercial. D’autant plus regrettable que le single Rest In Peace contient des passages de guitare fabuleux, du genre à transformer un grand père hémiplégique en headbanger furieux. S’il ne devait rester qu’un seul titre de cet album, c’est bien lui.

La tournée mondiale qui suit, et qui passe par Forest National, montre un groupe pompeux qui agrémente son Metal de passages de music-hall. Déplacés, voire indigestes, ces débordements nuisent aux prestations des américains. Et ce alors que le groupe bénéficie d’un guitariste très expressif et d’un chanteur qui ne tient pas en place. Le groupe commence une lente descente vers la dissolution qui sera effective en 1996. GARY CHERONE s’en allant même chanter chez VAN HALEN.

Le groupe se reconstitue en 2004, sort un quatrième album Saudades Of Rock en 2008, où figure le nouveau batteur KEVIN FIGUEIRDO. Aujourd’hui, il nous livre un album capté en public à Boston le 8 août 2009. Autopsie.

L’album commence par Decadence Dance, mais c’est une introduction, heureusement courte, au piano qui ouvre les hostilités. La guitare électrique envahit l’espace sonore tandis qu’on sent monter l’excitation de la foule. Dès que le groupe rentre dans le morceau, il s’empresse de faire participer le public. Le titre fait penser à un mélange de KISS et de QUEEN (les parties de guitare), et est d’une efficacité redoutable, une magistrale entrée en la matière.

Le côté Funk Metal est mis à l’honneur avec Comfortably Dumb. Et là, c’est du côté AEROSMITH que semble lorgner le groupe. Attention, chaque comparaison est ici donnée à titre d’indicateur de qualité et non pas comme un reproche de vulgaire plagiat. Les quatre gaillards d’EXTREME ont leur propre style mais s’inscrive dans un certain type de rock américain costaud.

Puis c’est Rest In Peace, magique en version studio, et tout aussi magique en Live. Les nombreuses parties de guitares sont restituées telles quelles et c’est fabuleux. Retour à un style plus funk avec It(‘s A Monster). C’est vraiment dans ces morceaux qui lui sont propres qu’EXTREME excelle. Riff extravaguant et diversifié, chant entraînant, chœurs qui appellent à la participation de tout un chacun, batterie et basse qui invitent au headbanging. La totale quoi. Quand le morceau s’arrête c’est un public en délire qui exprime son contentement.

La plage suivante Star, bien que plus récente, n’offre rien de plus, mais surtout rien de moins, que les précédentes, avec le solo, on se croirait presque par moments en présence d’un RITCHIE BLACKMORE qui serait sorti d’hibernation. On change de rythme et d’ambiance pour un Tell Me Something I Don’t Know qui calme les ardeurs. Lent morceau lancinant mais peu fascinant en dehors de la fosse (c'est-à-dire qu’il faut y être pour apprécier), cette longue plage calme refroidit bien évidemment l’ambiance. Mais ces traîtres de musiciens s’y connaissent pour vous embarquer et vous prendre par les sentiments. Tout au long du déroulement du titre, on commence doucement à rentrer dedans et quand il s’arrête, pour mieux reprendre dans un déferlement de roulement de batterie et de riffs assassins, on est tout étonné d’avoir fait le voyage et d’y avoir pris du plaisir.

Retour vers le passé avec un mélange de Kid Ego, Little Girls et Teacher’s Pet. Joyeux mélange de différentes chansons, le groupe va à l’essentiel de chaque titre, condensant ce qui le caractérise : riffs inventifs, rythmique imaginative et voix royale, le tout avec des interventions divines, non pas de SLAYER, mais de NUNO BETTENCOURT lors des soli.

Et c’est parti pour le moment de gloire du public, sur Play With Me GARY CHERONE fait chanter la foule, avant que les instruments se lancent dans une sarabande infernale. Puis le titre commence réellement, et c’est du bonheur, le chanteur et le guitariste se partagent le chant. La rythmique prend possession de vos jambes, la guitare pousse au headbanging. Et puis, il y a le solo de guitare, le genre de train lancé à toute allure sur les voies, et qui est destiné à ne jamais s’arrêter. La foule est sollicitée et répond au chanteur.

C’est NUNO BETTENCOURT qui présente la plage suivante Midnight Express instrumental d’une veine plutôt acoustique. Moment plus calme, destiné à introduire le More Than Words qui les a fait connaître. Tout comme QUEEN lors de son Love Of My Life, le groupe laisse changer la foule. La veine débranchée se poursuit avec Ghost qui se fait plutôt mélancolique et qui ressemble à du U2.

Il faut attendre Cupid’s Dead pour qu’on se réveille un peu car la succession de trois titres calmes nous ont quand même plongé dans une torpeur certaine. On retrouve là toute la verve d’EXTREME et c’est encore une fois, du bonheur. Notre plaisir continue avec Take Us Alive qui s’avère nettement plus funky que Metal. Sympathique mais un peu long, l’interlude instrumental Flight Of The Wounded Bumblebee nous permet d’apprécier la dextérité du guitariste avant que n’éclate le titre qui aurait dû clôturer cet album : Get The Funk Out. En effet, ce morceau représente une voie royale pour terminer un concert (capté le jeu de mot avec « get the fuck out » ??) et le public est bien évidemment de la partie.

Les dix minutes qui suivent s’avèrent de trop. Outre le fait que Hole Hearted aurait trouvé sa place à un autre endroit de la play list, le tempo modéré de Am I Ever Gonna Change vient appuyer sur le côté ambiance plutôt que d’insister sur le rayon Metal, il aurait été plus judicieux de le placer à un autre moment.

En clair, un excellent album capté en public qui nous prouve que EXTREME a encore beaucoup plus quelques beaux restes, mais qui nous livre aussi quelques fautes de goûts qui rappellent quand même les erreurs du passé.

Mr Spok