Triptykon - Eparistera Daimones
Century Media

Après un retour fracassant en 2006 avec l'excellent Monotheist, suivi d'une tournée couronnée de succès (avec entre autre un concert en tête d'affiche du Wacken Open Air et une série de dates avec Kreator), Celtic Frost retombe dans ses travers et la collaboration entre les deux légendes du metal extrême que sont Tom G. Warrior et Martin Eric Ain devient impossible. Le groupe se sépare (une fois de plus me direz-vous) et ses membres semblent se terrer dans les ténèbres.

Les ténèbres, c'est sans doute l'endroit où Triptykon, le nouveau projet de Tom Warrior a grandi. Autour de ses idées noires vient se greffer le groupe, composé de V. Santura, guitariste de Dark Fortress, de Norman Lonhard à la batterie et de la jolie Vanja Slajh à la basse.

Il suffit de jeter un oeil à l'artwork pour être rassuré quant au contenu de l'album. En effet, Hans Ruedi Giger (le créateur d'Alien, habitué des pochettes de Celtic Frost) est toujours de la partie. Une fois de plus, son art colle parfaitement à la froideur de la musique. Justement, tendons l'oreille.

Eparistera Daimones s'ouvre sur Goetia. L'intro, très noire et très profonde laisse penser que Tom Warrior reprend le travail là où il a été abandonné. De longues notes ainsi que des larsens cèdent la place à un riff et une rythmique simplement dévastatrice. On ne peut pas faire sans penser à Monotheist tant la production est parfaite. La réverb' laisse la musique s'emparer de l'espace sans faire de concession. Sur les onze minutes de ce morceau, on retrouve les structures chères à Celtic Frost. Entre les passages rapides, les riffs écrasants et les touches surprenantes, impossible de s'y méprendre: l'helvète guerrier est de retour. Une bien bonne mise en bouche.

Abyss Within My Soul prend le relais. Son intro très doom plonge l'auditeur au coeur du sujet. On y retrouve là encore toute la richesse de Monotheist. Les guitares se mixent parfaitement et ne laissent rien au hasard. Les fûts de Lonhard plient sous la puissance des frappes et la basse de Vanja arrondi les angles. Warrior est fidèle à lui même et sa voix aussi malsaine que torturée est sans doute le pilier qui soutient cette lourde atmosphère.

Un son clair introduit alors In Shrouds Decayed, le morceau qui m'a le plus séduit à la première écoute. Après quelques couplets chantés en voix claire (parfois pleurée) et saupoudrés d'harmoniques, déboule mon riff favori sur cet album. Un rappel de l'époque Hellhammer (notamment Dethroned Emperor) toujours bon à prendre. Grande nouveauté: le chant féminin.

Petite pause avec Shrine, juste le temps de reprendre son souffle et d'attaquer sur le très rapide A Thousand Lies. On peut noter un point positif: la batterie est nettement plus travaillée que sur Monotheist. Le riff principal n'est pas grandiose, mais il permet d'accélérer la cadence et de prendre ses distances par rapport au Doom. D'ailleurs, on se retrouve dans la même situation qu'avec Hellhammer dans les années 80: à quel style de musique avons-nous affaire ? Bref, les projets du Warrior resteront toujours aussi étranges.

La lourdeur de Descendant nous ramène alors au sol. Une occasion supplémentaire de se délecter de riffs pesants mais également très puissant. Le morceau est ponctué de touches de batterie surprenantes (ponctuer prend donc tout son sens ici). Descendant se clôture sur un passage rapide et laisse la place à Myopic Empire. Ce dernier est un titre plus classique et est sans doute celui qui rappelle le plus Monotheist. Un solo (inhabituel dans la famille Celtic Frost) termine une partie du morceau avant qu'un piano et un murmure ne le continue. Myopic Empire semble alors être deux morceaux distincts mais le riff principal reprend sa place. Surprenant.

Et des suprises, il y en a encore, comme l'ovni qu'est My Pain. En effet, place à la séquence émotion de l'album. Le chant de Simone Vollenweider et la voix fantomatique de Tom Fisher se marient à merveille et semblent ouvrir les portes d'un sanctuaire paisible, perdu au milieu du cauchemar suisse. Etonnant. Mais maintenant, place au grand final: The Prolonging.

L'entrée en matière est encore une fois très bien travaillée. Les pleurs de guitare sont soutenus par un arpège bien rond et captivent tout de suite l'auditeur. Très accrocheur donc. Au moins autant que le riff qui suit. En effet, le côté Doom de Triptykon refait surface et se dresse comme un mur de son. Mais ce n'est qu'après cinq minutes que The Prolonging prend tout son sens. En effet un riff rouleau-compresseur déboule et détruit tout sur son passage. Nous voilà clairement plongés au milieu des vestiges de Morbid Tales. Le rythme varie ça et là. D'escalade en accélération, tout en offrant aussi quelques moments de répit, le morceau évolue et reprend différents aspects de l'album. Fisher fait presque office de narrateur et sa voix d'outre-tombe sied à merveille à cet exercice. L'album se termine sur le leitmotiv « As you Perish, I shall Live », un message à Martin Eric Ain ?

En effet, alors que l'ex bassiste de Celtic Frost ne fait plus parler de lui, Triptykon fixe la barre très haut en proposant un album au top du genre. La situation actuelle de Tom Gabriel Warrior est parfaitement résumée sur le communiqué de presse de Century Media:

« Comme Celtic Frost est né des cendres d'Hellhammer, Triptykon naît des cendres de Celtic Frost ».

Crowley

9.5/10