Les groupes de Metal avec chanteuse ont le vent en poupe depuis une bonne décennie maintenant. Parmi ceux-ci, les Allemands de DAWN OF DESTINY, groupe fondé à Bochum en 2005, dans leur recette, ils combinent des éléments de Power Metal, de Thrash, de Gothique et de Death. Bref, tout semble faire farine au moulin pour essayer de se démarquer du lot. Généralement, ils laissent reposer et le temps de cuisson entre deux albums semble permettre heureusement d’avoir autre chose que du fast food Metal. Avec leur quatrième galette, on change de « chef », et une nouvelle chanteuse Jeanette Scherff vient donner de la voix, mais les trois autres maîtres de la cuisine crient toujours « présents », Veith Offenbäche à la guitare, Jens Faber à la basse et Dirk Raczkiewicz aux claviers. A la plonge, heu, pardon à la batterie, par contre, le personnel semble s’user à une vitesse affolante, vu que le quintette s’est séparé de son quatrième batteur, et vient d’accueillir en son sein Julio Pablo Da Silva.
La générosité semble aussi être un maître mot chez DAWN OF DESTINY, leur galette affiche quinze mets différents pour septante-cinq minutes au compteur. Alors évidemment avec une telle dose, on a un peu peur d’avoir une indigestion carabinée et se pose la question de savoir si cette succession de plats c’est du Tricatel-Monsanto ou de la haute gastronomie. Pour en avoir le cœur net, nous sommes passés à table.
Et voilà My Life Lies In Ruins comme zakouskis, et pour toute mise en appétit qui se respecte, il y a donc un peu de tout, des claviers éthérés, des guitares aux riffs énergiques, une rythmique bien tapée, des voix qui passent du légèrement épicé (la gente dame Jeanette Scherff) au condensé de piment rouge (les voix gutturales). Le tout avec différentes sauces : break, soli, envolée lyriques, accélérations monstrueuses. Parfaitement dosés, tous ces ingrédients se combinent avec bonheur sur l’assiette. Garçon la suite.
Le potage qui suit se veut moins rapide, mais bénéficie d’une crème qui combien les voix féminines et masculines, claires et gutturales. Mid-tempo énergique, The Right Path joue donc ainsi sur différentes saveurs vocales qui s’alternent et se combinent à la fois. On aurait tort de négliger l’apport de la six-cordes et des claviers qui relèvent le plat pas trop lourd mais avec du corps cependant, chacun possédant son moment de gloire. Le très court solo de clavier introduisant celui de la guitare. On peut dès lors passer à la dégustation des vins avant de passer aux plats de résistance.
Agréable introduction au piano pour Miracles, bientôt suivie d’un riff ayant du corps, de chœurs sympathiques, le tout sur une rythmique classique et efficace, avec bourdonnements de basse en arrière-plan. On sent que le nectar a pris le soleil dans des régions commerciales avec un refrain très pop. Cependant, il distille une agréable accélération avant de reprendre son rythme feutré puis de se relancer dans un nouveau couplet pour encore raffermir son goût sur la langue dans le refrain final, avec un dernier petit claquement de chant calme.
Cette dégustation nous permet donc d’aborder dans d’excellentes dispositions l’accélération que représente Place Of Misery, et toujours ce subtil mélange d’épices au chant avec les différentes capacités de la chanteuses, des barbares masculins et des chœurs. Les multiples composants des instrumentes relancent sans arrêt l’intérêt. La guitare encore une fois s’illustre dans un pré-solo, suivi d’un break pour mieux lancer le vrai solo qui cède la place au chant barbare agressif qui lui-même va disparaître au profit de la chanteuse.
On passe à la suite, l’introduction particulièrement calme de Misunderstood représente un petite rasade d’eau pétillante histoire de nous désaltérer quelque peu. La plage joue sur la douceur qui camoufle de multiples péripéties énergiques et de fréquentes accélérations. Véritable défilé en montagne russe, tout à tour, ce sont les riffs, le chant guttural, la voix de la belle, la rythmique et les claviers qui font parler d’eux. Il va de soi qu’après avoir goûté de façon éparpillée tous les composants du mets, la seconde moitié de la dégustation combien tous ces éléments pour le plus grand bonheur des papilles gustatives de nos pavillons auditifs. D’ailleurs, une fois n’est pas coutume, la plage se termine par un fade des chœurs masculins clairs qui cèdent la place à une guitare acoustique qui finit par s’éteindre.
Trois autres petits plats s’en suivent. Promised Land au riff carré et la rythmique simple mais fichtrement efficace, avec un à peine perceptible break au piano, on devine ici une influence de la cuisine Thrash (mais pas dans la soupe). La guitare captive, les chœurs fascinent et la voix de la chanteuse nous hypnotise. Un petit morceau de baguette pour se nettoyer les papilles avec Another Pain avec une guitare royale sur un tempo rapide. Les voix Death en arrière-plan contrastent avec le chant féminin. Par la suite, ce chant agressif sera mis en exergue puis la voix claire nous reviendra pour lancer le solo et à nouveau, le titre se termine sur un fade. Ambiance un rien plus techno new-wave sur l’intro de My Four Walls, à nouveau les épices proviennent des mêmes récoltes : riffs costauds, collaboration basse-batterie, grosse frappe bien sèche, mélange des voix, le tout pour introduire une excellente glissée sur le manche de la guitare.
Et voilà le deuxième plat de résistance Beast Human qui se lance par un riff lancinant sur un mid-tempo du meilleur aloi. Mais ces roublards de cuisiniers ont tôt fait de nous glisser les ingrédients des recettes précédentes : accélérations décélérations, chœurs, voix masculines agressives ou claires, riff thrash, passages gothiques avec nappes de claviers. Et encore une fois le savant dosage des différents ingrédients nous donne un plat particulièrement équilibré qui ne lasse jamais.
Et voici donc le troisième plat de résistance, le cuit à point Bleeding Me. La cuisson juste ce qu’il faut permet à l’énergie de monter doucement, distillant de temps à autre, une judicieuse accélération et une poussée énergétique comme une boisson revitalisante. Clairement, la recette ici est plus gothique qu’autre chose.
Petite pause avec un détour en cuisine. Bon ça sent l’indus par le côté un rien mais ce n’est pas de la lasagne de bœuf au cheval. Sur One Last World, le riff, tel un alcool blanc et sec, monte directement à la tête qui headbang allègrement. Dès que la voix de la belle résonne, on change d’atmosphère, nettement plus consensuelle mais très agréable. On découvre encore une petit secret du cuisto avec This Aching Heart qui défile plus rapidement par une rythmique endiablée, et bien évidemment, on se sent des fourmis dans les jambes quand résonne la voix de la chanteuse. Bref, ce voyage hors salle ne nous a pas coupé l’appétit.
Voilà l’heure des sucreries, Praying To The World, le désert est un mille-feuille qui se déguste avec délectation couche par couche, un introduction calme avec voix masculine parlée. Viennent alors le riff et le rythme. Les voix se partagent l’univers sonore. Une couche de chant féminin, une lamelle de chant masculin clair, un nappe de clavier, un brin de chant guttural, des guitares en phase riff carré libre, un break au piano. Le gros avantage de ce type de désert, c’est qu’au plus on y goutte, au mieux que ça nous goutte, et avec toutes ces couches, on en reprend jusqu’au bout. Plus de six minutes de bonheur.
Histoire de terminer sur une bonne note et assimiler tout ce qu’on a pris avant : café, pousse-café et cigare. Le tempo s’accélère pour faciliter la digestion. In Another Time s’avère assez fort pour faire passer sans soucis tout ce qu’on vient d’avaler, ne négligeant pas une rythmique proche du black en terme de vitesse, sans pour autant que la batterie ne vienne bouffer les autres instruments. Les voix masculines se complaisent dans un registre extrême. Le cordial se module à nouveau entre passages très costauds et moments plus éthérés, les derniers ayant quand même la prédominance, c’est un alcool pour digérer, pas de la piquette à cinq sous, et l’aspect feutré laisse bientôt la place à une avalanche de degrés.
un petit cigare pour terminer, les volutes de chant s’envolent allègrement tandis que le riff laisse son empreinte costaude sur la langue. Les chœurs commerciaux nous chatouillent les narines tandis que l’énergie rougeoyante des voix extrêmes nous rappellent quand même que c’est pas un cigarillo frelaté, le tout alignant chant commercial, riffs essentiels, rythmique entraînante, solo époustouflant.
Au final, un repas particulièrement copieux, mais relativement digeste, avec quand même une sérieuse propension à souvent mélanger les même ingrédients dans le un plat, le groupe tient une recette et s’y tient. On ne s’ennuie jamais et c’est fabuleux d’un bout à l’autre. Dans le genre, c’est vraiment un restaurant cinq étoiles. Mes compliments aux chefs.
Mr Spok