Streets était à l’origine un projet de Paul O’Neil, compositeur historique de Savatage mais dont le background est lié à la scène. Et pas forcément Métal. En effet, ce dernier écrivait par le passé des pièces à Broadway. Ce n’est donc pas un hasard si le style même de Savatage est très théâtral. Le hasard disparaît complètement de notre registre explicatif lorsqu’on sait également qu’il est à l’origine du très fameux projet Trans Siberian Orchestra (TSO) : Opéra Rock dont l’ensemble des copies CDs se sont vendues à plus de 10 millions d’exemplaires. Et la formule « les hasards du calendrier » prend une dimension quelque peu obsolète lorsque l’on sait également qu’une version narrée (et donc plus théâtrale) sort dans les bacs pratiquement en même temps que le dernier album de TSO en date. Alors, Streets est avant tout un album d’un groupe de Rock. Album qui, d’accord, se veut du genre Opéra Rock. Et ce n’est donc pas étonnant que la formation américaine avait, à l’époque, fait usage intensif de chœurs. La voix rauque (et rock) de Jon Oliva est idéale pour nous narrer (et chanter) cette fresque toute dédiée à la cause des rues de New York. Comme un avant-goût de morceaux ultérieurs tels que Gutter Ballet (titre emprunté à une pièce que Paul O’Neil avait écrite à Broadway). La complicité entre les deux frères Oliva (Jon, le chanteur et Criss le guitariste) est déjà criante.
L’objet de cette chronique n’est évidemment pas de jauger un album sorti il y a plus de vingt ans. Nous allons plutôt essayer d’identifier les éléments d’intérêt de cette « re-issue » made in 2013.
Attaquons nous un peu au contenu ; Et nous constatons assez vite que Jon Oliva n’est pas qu’un chanteur reconnu. Il est surtout un interprète. Et ce au sens le plus global du terme (et ce y compris dans le sens d’un narrateur d’une pièce musicale). Les petites introductions narratives sont conçues de telle sorte que l’auditeur puisse suivre le fil de l’histoire pendant qu’il avance dans l’écoute de cette chronique musicale. Car il s’agit bien plutôt d’une chronique que d’une histoire. Un peu comme tous ces films « semi-indépendants » américains croisant des histoires, cette fresque retrace les péripéties de différentes âmes des rues de New York. Avec dans le rôle principal DT Jesus (Down Town Jesus), clochard ayant pas mal de choses à raconter. Au niveau musical la présence du piano est déjà ici prépondérante (cet instrument faisant partie intégrante de Savatage, et ce encore sous l’ère Zack Stevens). Preuve s’il en est que Paul O’Neil et Jon Oliva constituent une bonne partie de l’âme du groupe dont le nom est une contraction de Savage et Avatar.
Plus même qu’une chronique, on pourrait parler de variations sur un même thème. Ce qui peut nous laisser penser que la version initiale de l’album était déjà très aboutie. La musique permettait en effet déjà d’avoir une idée assez précise de ce qui se passait dramatiquement tout en laissant une zone délibérément floue ou en tout cas désarticulée ! Permettant à l’auditeur de se concentrer sur la musique tout en lui laissant l’opportunité de deviner le côté « chroniques » de l’album. Les narrations ajoutées permettent évidemment de restructurer le tout. Mais ne perdons pas de vue que même avec ces éléments supplémentaires, la vie de l’élément musical de l’album conserve toute son autonomie et sa force. Sa propre vie. De sorte que la part de mystère reste en grande partie conservée.
Au-delà de la qualité des morceaux qui n’est plus à souligner (tant cet album fait partie intégrante du patrimoine hard rock), cette nouvelle version procure une valeur ajoutée indéniable à tous ces morceaux. L’intensité de Streets n’est pas atténuée. Au contraire, ces pauses permettent d’apprécier la musique avec plus … d’intensité justement. Et de profiter de chacun des morceaux comme une entité à part entière. Et pas seulement comme un des morceaux de cet album référence.
Je ne vais pas m’étendre sur le talent des musiciens (en tant que musiciens), ni répéter à quel point Criss Oliva nous manque (musicalement et probablement humainement).Car ce n’est pas le but (premier) de cette chronique. Ben oui, Criss manque indéniablement à la scène métal. Mais plutôt acclamer la sortie de cette nouvelle version nous faisant revivre (une petite larme à l’œil) un album qui se devait de voir le jour sous cette forme.
Un must !
Ignacio