Battle of Leningrad est le quatrième album studio du groupe. C'est un groupe qui n’est pas forcément l’unique projet de ses illustres membres. En effet on devrait plutôt ici parler de « super groupe » qui qualifie la réunion de musiciens issus d’autres formations. D’où (forcément) une actualité brûlante pour chacun des membres de ce quintet magique.
Kuprij est en ce moment en tournée avec Trans Syberian Orchestra. Tony Mac alpine tourne avec Steve Vaï. Notons que pour qu’un Guitar Hero comme Steve Vaï contacte un autre guitariste pour sa tournée, ce dernier ne doit forcément pas être un manche. Mais bon, à l’écoute de tous les projets antérieurs et présents de l’ami Tony (dont notamment le cultissime Planet X), on se dit qu’il n’avait pas besoin d’un quelconque parrainage (y compris de la part de Vaï). Quant à Marc Boals, il avait assuré l’intérim entre l’ère John West et l’ère « Re- DC Cooper » chez les Royal Hunt. Avec Brio d’ailleurs. Sans parler des deux derniers albums d’Iron Mask. Ce dernier d’ailleurs se colle à l’explication du thème de cet album auprès de la presse. Il explique qu’il s’agit de l’histoire vraie du peuple russe de Leningrad cerné par les Nazis durant la Deuxième Guerre Mondiale. Et ce sans eau, nourriture ou chauffage. Les Nazis n’ayant jamais été en mesure d’assiéger complètement la ville.
Le premier morceau Mother Russia commence dans une ambiance qui nous plonge tout de suite dans l’univers de cet album. Un peu comme dans les réalisations de Iron Mask que nous concocte brillamment Dushan Petrossi, la musique est illustrative des titres (ou vice et versa). Je fais le lien car, primo : la thématique est propre de certains « epics » de Iron Mask et deusio : Marc Boals assure (ici encore brillamment) le chant.
Ce morceau est très cinématographique et déjà le style « à la Malmsteen » semble s’imposer.
On dit souvent que les « super groups » (qualificatif attribué à des formations composées d’individualités reconnues) ne sont que des sommes d’individualités. Or ce n’est pas du tout le cas ici. Vitalij Kuprij joue POUR le groupe. Tony Macalpine aussi. Preuve en est : ce dernier nous avait habitués à des projets officiant dans un registre « Jazz Fusion ». Et ce avec des acolytes aussi géniaux que Virgil Donati ou Derek Sherinian. On le retrouve ici dans un univers complètement différent. On sait qu’il possède un niveau technique extrêmement élevé. Mais ici il nous bluffe par sa capacité à rentrer dans un style néoclassique. A la Malmsteen. Quant à Kuprij, que peut-on encore ajouter à ce qui n’ait pas déjà été dit ? Pianiste classique de renom. Musicien de Rock Symphonico-classico-progressif non moins de renom. L’univers de cet album est très proche de ceux pouvant compter Kuprij parmi les protagonistes. On peut donc légitimement penser qu’il exerce une influence décisive sur cet album. Mais aussi de façon plus générale sur le groupe.
Au niveau du style, l’influence d’un Malmsteen est certaine. C’est indéniable. Et ce en partie à cause des arrière-chœurs présents en quasi-permanence. Un peu comme dans certains albums de Stratovarius. Et notamment Destiny pour ne pas le citer. Style proche des albums du génie suédois surtout grâce à Tony Macalpine, il faut le dire. Ce dernier étant un caméléon guitaristique tout en possédant son propre style évidemment. Qu’il décline suivant une multitude de variations. Et puis il y a Vitalij Kuprij bien sûr. D’accord, je l’adore. Mais il y a vraiment de quoi. Chacune de ses notes de piano ou de synthé sont un univers en soi. Il enrichi tellement l’album (et le groupe en général) que je ne crois pas prendre beaucoup de risques en affirmant qu’il fait passer ce projet dans une catégorie supérieure.
Le groupe profite à coup sûr du background classique de Kuprij. Les textures et sons de ses claviers sont uniques. Et ils procurent une atmosphère à eux seuls. Les duels claviers/guitares sont grandioses. Mais (encore une fois) celui qui est le plus bluffant entre les trois véritables âmes du super-groupe est sans conteste Macalpine qui fait étalage d’un registre néo-classique inattendu.
Il faut croire que la seule présence de Marc Boals pousse à emprunter un style caractéristique des albums solos du « guitar master » suédois. Mais que l’on ne s’inquiète pas. Kuprij veille au grein pour éviter que ce projet ne soit qu’un ersatz de ce qui a déjà été réalisé dans le genre. Il nous propose claviers et pianos toujours aussi extraordinaires. Et même si les deux autres « murs porteurs » du projet (Macalpine et Boals) officient clairement dans un registre néoclassique, Kuprij inculque sa propre patte au projet. Ceci apparaît clairement dans They Are Calling Your Name.
Ô surprise : Timo Tolkki mixe et masterise l’album. Et y assure la basse. Au niveau des compositions, Kuprij écrit toute la musique et Marc Boals les paroles et les mélodies vocales.
Avec Empire, un style plus dramatique et épique moins tourné vers les guitares pointe le bout de son nez.
Le spectre du groupe reste toutefois assez large. Land of Frozen Tears en est une des preuves. Et les trois premiers morceaux ne laissaient pas forcément le présager. Macalpine est encore ici magistral alors que Kuprij et Boals forment définitivement un duo de compositeurs extraordinaires. Ce morceau est un « Mid Tempo » à tendance « Slow ».
Firewind nous fait revenir à un style plus néoclassique à la Malmsteen. Intro au piano du maître Kuprij, accompagné à la guitare par Tony Macalpine. Ce morceau est porté par Marc Boals et ses capacités vocales extraordinaires. Malmsteen possède d’ailleurs dans ce registre musical une palette de morceaux assez « speed ». Et c’est justement ce genre de rythme soutenu que l’on retrouve tout le long de Where Angels Play. Toutefois les similitudes s’arrêtent au rythme. Pour le reste le morceau est assez convenu. Sans doute la moins aventureuse des plages de cette galette que l’on peut déjà annoncer comme étant magistrale. Les « intermezzi » classiques aèrent le tout. Plus que des « intermezzi » on pourrait presque parler de passages véritablement annonciateurs d’une deuxième partie de composition nettement plus intéressante. Au final, Where Angels Play s’annonce excellentissime. Et, lorsque ce morceau s’achève, Kuprij de nous rappeler que c’est lui qui compose pratiquement toute la musique de cet album. Et ce n’est pas un hasard si c’est au travers du morceau-titre de l’album qu’il choisit de faire ressortir sa « patte ». On croit en effet tout d’un coup se retrouver plongés dans un de ses albums solos ou autres projets tels que Artension. Les similitudes ou points communs avec avec Savatage ou autre Trans Syberian Orchestra sont manifestes. Ce n’est certainement pas un hasard vu la participation récente de Kuprij à ces projets. Et ici la référence à Malmsteen apparait sous une autre forme. Ou plutôt, au-delà de la rythmique, c’est le style du morceau qui se rapproche du célèbre Im A Vicking du Guitar Hero.
Preuve en est d’univers proches. On pourrait même dire harmonieusement compatibles.
Comme tout bon projet néoclassique, le guitariste se doit d’être à l’honneur. Surtout si celui-ci adopte un style « Malmsteenien ». Sur No Way Out Marc Boals « performe » un peu comme il l’avait fait pour Yngwye sur le morceau Hangar 18, Area 51.
Our World est une balade toute en émotions. Un peu un « ovni » dans cet album mais pour le moins superbe. Avec Rain, des claviers aux sons assez particuliers (merci Kuprij) nous sont proposés. La voix de Marc Boals colle parfaitement à l’ambiance et aux textures de ce morceau. Je constatais en début de chronique que Macalpine était un véritable caméléon. Et bien Marc Boals (tout en restant dans son style) sait également s’adapter aux exigences et compositions du projet.
Cet album est une véritable réussite ! Les craintes pour l’auditeur potentiel (peut-être quelque peu saturé de « Baroque And Roll ») pouvaient, avant de se pencher sur cet album, être légitimes quant à l’originalité du projet. Il sera vite rassuré : en plus de compter de prestigieux et hyper talentueux (et établis) musiciens (Vitalij Kuprij, Tony Macalpine, Marc Boals, Timo Tolkki), l’alchimie fonctionne parfaitement. Et l’auditeur immanquablement de se dire : ce groupe n’est vraiment pas comme les autres ! Ou comment faire d’un « super group » un véritable groupe. Une magnifique ode à la Grande Russie !
Ignacio