TANK est un de ces nombreux groupes de la New Wave Of British Heavy Metal (NWOBHM pour les paresseux) qui avaient tout pour devenir énormes mais qui n’ont jamais gagné qu’une notoriété d’estime bien en deçà de leurs mérites. En 1982, le groupe, un trio emmené par ALGY WARD (basse, chant) et les frères BRABBS, PETE à la guitare et MARK à la batterie, sort son premier album « Filth Hounds Of Hades » produit par ‘FAST’ EDDIE CLARKE, guitariste de MOTORHEAD à l’époque. Il faut dire que TANK a justement assuré la première partie d’une tourne de la bande à LEMMY, d’où l’enthousiasme du virtuose de la six-cordes à leur permettre de prendre un bon départ. La filiation est d’autant plus évidente qu’il s’agit de deux trios et que ALGY WARD a un timbre de voix identique à celui de LEMMY (mais en mieux, à mon sens).
La même année, TANK sort son second album (oui, deux albums dans la même année), et « Power Of The Hunter» confirme tout le bien qu’on pense du trio. Les fans ne doivent attendre qu’un an avant que n’éclate la bombe, LE chef d’œuvre du groupe : « This Means War » sorti en 1983. A cette occasion, le trio s’est mué en quatuor avec l’adjonction du guitariste MICK TUCKER. Mais ensuite, c’est la descente aux enfers. Les frères BRABBS quittent le navire et le groupe perd une sérieuse partie de son âme mais surtout deux excellents compositeurs. CLIFF EVANS devient le deuxième gratteur de la bande, toujours emmenée par ALGY WARD. Et la valse des batteurs commence également. Les albums qui vont suivre ne parviennent pas à raviver la flamme de la gloire déjà éteinte. Le groupe s’arrête en 1989. Il se reforme en 1997, autour de WARD, de TUCKER et d’EVANS qui constituent désormais le noyau fort du groupe. Et un nouvel album « Still At War » sort en 2002.
Finalement, en 2008 ALGY WARD jette l’éponge et se voit remplacé par DOGGIE WHITE (qui a chanté avec YGNWIE MALMSTEEN, RAINBOW et CORNERSTONE). Le nouveau line-up ne comprend donc plus personne de la formation originale et le quatuor devient quintette. C’est donc un tout nouveau TANK qui nous livre ce « War Machine».
Evidement, d’emblée, la voix nous emmène dans un autre univers, beaucoup moins brut mais plus mélodique. Imaginez MOTORHEAD avec un autre chanteur, hein, ça fait drôle. Ici, c’est exactement la même chose. Tant et si bien qu’on a quand même l’impression d’avoir affaire à un autre groupe. « Judgement Day » nous offre un son moderne mais pas radicalement différent de ce qu’on avait apprécié dans le passé. Si ce n’est que les chœurs s’avèrent beaucoup plus nombreux et mélodiques qu’auparavant. Par contre, au niveau des guitares, on retrouve bien la griffe « TANK ». Heureusement d’ailleurs.
L’ambiance mid-tempo de « Feast Of The Devil » met les guitares au premier plan et on sent que le groupe retrouve les marques du passé. Riff bien carré, rythmique efficace, chant qui s’envole et là on pense un peu à RONNIE JAMES DIO par la façon dont la voix s’articule autour de la musique. Le groupe se lance là dans un registre où on ne l’attend pas trop et c’est plutôt réussi. Un changement d’ambiance qui apporte une diversité salutaire à l’ensemble de l’album.
Démarrage à la MAIDEN pour « Phoenix Rising », l’espace laissé au chant nous replonge aussi dans le passé. On aurait apprécié un peu plus de hargne dans le chant, qu’il soit moins lisse. La machine à remonter le temps fonctionne à plein régime, pendant les couplets, les guitares se font discrètes et c’est presque un chant accompagné exclusivement de la rythmique batterie qui nous titille les oreilles. Tous les instruments entrant dans la dance lors des refrains. Les rythmiques caractéristiques, les duels de soli, nous replongent dans « This Means War ». TANK n’est pas un vieux canon rouillé. Qu’on se le dise.
Tempo lent et lourd pour « War Machine », mais cette fois-ci la sauce ne prend pas trop, voire franchement pas du tout. La vitesse d’exécution du titre ne correspond pas trop à TANK, ni même au titre du morceau. On s’attend quand même à une déferlante de riffs et de vrombissements de batterie. Ce qui reviendrait à composer une ballade sirupeuse qui s’intitulerait « speed of light », vous noterez au passage le côté incongru de la chose. En clair, on passe son chemin.
Riffs et hurlements, heu ALGY hurlait mieux, « Great Expectations » démarre sur les chapeaux de chenilles (vous avez déjà vu un tank avec des roues, vous ??). Riffs efficaces en diable, chant agressif, soli impeccables, rythmique guerrière. La totalité des ingrédients qu’on attend de TANK se retrouvent ici. Comme s’ils voulaient s’excuser du titre précédent. Donc, ça passe, on leur pardonne. Mais …
Autre faute de goût avec « After All ». Dites les gars, quand on a un tel patronyme, on ne verse pas dans la ballade. Hein, c’est comme si, au hasard, un groupe tel METALLICA se mettait à composer des morceaux mous destinés aux radios commerciales, des titres pour les gens qui souffrent d’une crise cardiaque dès qu’ils entendent un riff Metal, une véritable trahison quoi. Heu, une voix me dit que l’exemple est bien mal choisi. Donc on passe aussi.
A croire que le groupe veut s’excuser, « The Last Laugh» défile comme la charge furieuse des blindés allemands qui ont envahi la France en 40, laissant loin derrière eux l’infanterie. C’est ce type de morceau qu’on attend et qu’on désire. Bon, effectivement, ce titre-ci, tous comme les autres brûlots de cet album, sont typiquement cachetés « Metal des années ‘80 ». Donc, ça ne risque pas d’attirer spécialement les adeptes de styles plus ancrés dans le présent. Ce qui ne nous rajeunit pas d’ailleurs (bon, j’arrête là le couplet « vous verrez quand vous aurez mon âge » et « du respect pour mes cheveux blancs, galopin »). Bref, il y a un petit air de « Laughing In the Face Of Death » de l’album « This Means War », et on ne va pas se mettre à le regretter.
Encore un ralentissement de tempo qui nous fait penser à RAINBOW (surtout à cause de la voix) mais le titre est envoûtant et sa longueur séduisante, une ambiance bien lourde qui s’installe et prend corps au fur et mesure que le morceau défile dans nos oreilles. Pas le meilleur titre, mais franchement correct. L’album se termine par un « My Insanity » de bonne facture, parfaitement agencé entre les différents instruments, avec des ruptures de rythme pour relancer la machine avec une accélération particulièrement séduisante pour un magnifique solo de guitare. Personnellement, j’aurais préféré un morceau encore plus rapide, plus hargneux et plus rentre-dedans, mais personne n’est parfait.
Pour les nostalgiques de la première époque, il va de soi qu’il s’agit ici d’un groupe totalement différent (bien que sur scène, le changement est moins marqué). Et ils auront plutôt tendance à passer leur chemin. Par contre, pour les autres, l’album a de quoi séduire les amateurs de hard rock classique. Bref, la machine de guerre a encore de beaux restes.
Mr Spok