Lita Ford - Living Like A Runaway
SPV

Bien avant le débarquement massif de groupes dits « à chanteuses », et trop souvent qualifiés à tort de « Gothic Metal », les filles avaient déjà marqué le monde du Rock et, à fortiori, l'histoire de la musique. On connaît l'impact qu'a eu le public féminin auprès des groupes (aaah la Beatlemania), mais il ne faut pas oublier qu'à peine quelques années plus tard, Janis Joplin balançait son rock psychédélique aux oreilles de l'Amérique. Stevie Nicks s'inspirait déjà d'ailleurs largement de cette artiste majeure avant d'intégrer Fleetwood Mac.

Dans le monde du Hard et du Heavy, on cite souvent Girlschool comme référence féminine. Il est clair que ces quatre nanas ont largement contribué à l'acceptation de la femme (à un poste majeur) dans le milieu très masculin de la musique saturée. Pourtant, peu avant elles, une bande d'adolescentes californiennes en manque de sensations fondent un all-female band majeur : The Runaways. De ce groupe énergique, déluré et controversé, émergent deux personnalités fortes de la scène Rock : Joan Jett et Lita Ford. Toutes deux guitaristes/chanteuses, elles ont apporté leur pierre à l'édifice, bien qu'ayant deux carrières fort différentes.

Lita Ford sort son premier album solo (Out for Blood) en 1983. Certainement sous-estimé par la critique, il ne rencontre pas le succès attendu. Armée de sa BC Rich, Lita compose Dancing on the Edge, paru en 1984. Randi Castillo (Ozzy Osbourne) se charge des parties de batterie, pendant que Hugh McDonald (Bon Jovi, Alice Cooper, Ringo Starr) s'occupe de la basse. De ce second opus sortiront plusieurs hits. Cet album restera une référence dans la carrière de la guitariste.

Son troisième album solo, The Bride Wore Black, produit par Tony Iommi, ne verra jamais le jour, ce qui la fera quitter Mercury Records.

Après cet échec, Lita décide de se tourner vers un autre management (Sharon Osbourne) ainsi que vers un style plus facilement commercialisable. En effet, son album, simplement intitulé Lita (1988) se veut ouvertement Hard FM. Nikki Sixx co-écrira un des quatre succès de l'album : Falling in and out of Love. On retiendra bien entendu Close my Eyes Forever, le célèbre duo avec Ozzy Osbourne.

Quelques albums nettement moins intéressants (sortis en 1990, 1991 et 1995) la pousseront finalement à s'éloigner de la scène pendant un moment. Il faut en effet attendre 2009 et Wicked Wonderland pour un retour dans les bacs. Quinze ans après la sortie de Black, inutile de dire que cet album est plus moderne, mais aussi plus dur et sombre : clairement orienté Metal. On lui reprochera cependant un côté plus que brouillon.

C'est pour aborder Living like a Runaway (2012) dans les meilleures conditions, que j'ai jugé utile de recadrer un peu la légende Lita Ford.

D'aspect plus net, le son de l'album, typique de chez SPV/Steamhammer, fait la part belle aux guitares, tout en offrant une obscure clarté aux voix. Dès Branded, le premier titre, on constate ici une volonté de revenir aux sources, bien sûr avec une bonne dose de maturité en plus. Branded fait d'ailleurs une excellente intro d'album, sans concession aucune. Il en va de même pour Hate, ses riffs et rythmiques carrés et son refrain catchy à souhait. Entre Hard Rock pur et dur et Hard FM, le morceau est un condensé d'énergie, toujours bon à prendre.

The Mask prend la relève avec son intro et riff résolument Heavy. A nouveau ce titre fait penser à l'époque Dancin' on the Edge.

Plus claire (et commerciale), Living like a Runaway est typiquement faite pour les stations radios américaines. Le genre de titre qui gonflera sans doute les metalleux, mais qui ravira les amateurs de rock. On le créditera cependant d'un très bon solo de guitare.

Ce qui est agréable sur cet album, c'est son rythme. Après quelques titres bien hard et une ballade, Relentless déboule avec un groove imparable. Sans doute un morceau qui prendra son envol en live. Mother permettra aux plus nunuches d'entre nous de sortir les briquets. Enfin, que serait Lita Ford sans ses ballades ?

Pas grave, le gros son de guitare de Devil in My Head nous transporte en moins de deux vers d'autres horizons. Comme toujours, le refrain fait mouche avant de laisser la rythmique reprendre le dessus.

Lita enchaîne alors sur Asylum, une véritable power-ballad, qui cette fois ne laissera personne indifférent. Vient ensuite un duo avec le guitariste ( et producteur de l'album) Gary Hoey : Luv 2 Hate U. Cette chanson semble directement sortie des années 80, c'est sans doute ce qui fait son charme.

Nettement plus emballante, A Song to Slit your Wrist By, sans être réellement agressive, montre un côté rentre dedans pas désagréable. Une fois encore, le refrain et le solo font mouche. Un bon morceau, 100% Rock n Roll. Il en va de même pour le très enjoué Bad Neighborhood. Riff heavy, tempo relevé et refrain gagnant. On y retrouve d'ailleurs un peu de l'esprit Runaways, ça fait plaisir.

The Bitch is Back ferme la marche avec un morceau plus branché rock. Les backing vocals sont assez surprenantes, un peu comme le son de guitare et surtout, le solo de .... Saxophone ! Il est tellement rare d'avoir de la variété jusqu'au dernier morceau qu'on ne va pas se plaindre. Loin de là.

En bref, comme elle le clame haut et fort sur la dernière piste, la vraie Lita Ford est de retour, avec un album d'une qualité toute autre que Wicked Wonderland. Un retour aux sources gagnant, sans s'autoparodier, que demander de plus ?

Crowley