Cela fait des années que BEYOND THE BRIDGE a vu le jour, en 1999 sous un autre nom d’ailleurs. Les musiciens se perdant un peu de vue en entrant dans la vie professionnelle. Jusqu’à ce que le guitariste Peter Degenfeld-Schonbur décide de reprendre le taureau par les cornes et la six-cordes par le manche en 2005. Pendant cinq ans, avec le clavier Christopher Tarnow à ses côtés, il va composer, recruter, enregistrer. Leur producteur Simon Oberender (NDLR .. décédé il y a peu..) leur permet de trouver les perles rares qui vont se joindre à eux : le bassiste Dominik Stotzem, le batteur Fabian Maier, le chanteur Herbie Langhans, la chanteuse Dilenya Mar.
Qui dit “prog” dit “longues plages”. Et l’entrée en la matière ne déroge pas à cette règle bien connue. Les deux premiers titres flirtent avec une durée étendue. Mais, malgré les réserves d’usage, la lassitude ne nous envahit pas, d’autant plus que les changements d’atmosphère, les poussées énergétiques permettent de conserver l’attention du public. Ainsi The Call et The Apparition s’enchaînent sans temps mort et forme un duo assez digeste. Le vrai problème vient encore une fois que ce type d’exercice peut rapidement, pour les personnes assez réfractaires au genre, s’apparenter à de la contemplation nombriliste (pour ne pas dire autre chose).
Et dès la troisième plage, le défaut de la galette se fait assez apparent : les chutes de tensions d’un titre ne sont contrebalancées que les poussées énergiques de la plage suivante. Ainsi, la troisième plage royalement instrumentale, ce Triumph Of Irreality s’avère fabuleux mais peut-être un rien trop démonstratif, comme une casserole de lait qui resterait trop longtemps sur le feu et qui finirait par déborder malencontreusement. L’interlude mou The Spring Of It All ferme alors le bal. Le groupe ajoute aussi une plage de bruitages inutiles The Primal Demand, heureusement courte et qui s’achève sur un riff d’introduction pour le Doomway To Salvation qui suit. Ce dernier démarre sur les chapeaux de roues, pour ensuite alterner le chaud et le froid, la voix féminine et le chant masculin, l’excès de vitesse et la modération.
L’album étant conçu comme un tout, les titres s’imbriquent les uns dans les autres et les changements d’ambiance étant tellement fréquents, qu’on n’a jamais l’impression de passer d’une plage à l’autre mais bien de rester dans la même histoire, ce qui est évidemment le but recherché. Sur The Struggle, l’énergie reste présente et offre un éventail assez impressionnant des capacités des musiciens : interlude au piano, chœurs et canons, riffs lourds soutenu par une rythmique carrée. Impressionnant.
Cette déferlante cède la place à un long The Difference Is Human au rythme tempéré mais à l’ambiance néanmoins électrique, titre à tiroirs par excellence et dans chacun de ceux-ci de quoi satisfaire le mélomane exigeant. C’est un gentil piano du type boîte à musique qui ouvre Where The Earth And Sky Meet. Le titre ne se départi pas de cette ambiance aseptisée, tant et si bien que l’ensemble de sept minutes fleure le somnifère aux entournures et ce malgré un solo bien clair qui donne au titre un air de SAVATAGE encore renforcé par une la voix qui se pose un peu à la Zach STEVENS.
Le groupe verse alors dans un style « inspecteur gadget », sortant de son imperméable bon nombre de sonorités étranges pour démarrer la conclusion de sa galette. Le problème, c’est qu’on a du mal, après le refroidissement qui précède, à prendre la trottinette en marche. Et oui, une trottinette, car ce n’est pas un train qui déboule, mais bien une ballade agrémentée de quelques poussées de fièvres vite guéries. Et quand l’énergie déborde un peu, elle se retrouve enterrée par un dialogue bien gentil. Dans le genre montagne russe, on ne peut que constater que la plage lorgne plutôt du côté du plat pays, les montées sont rares et la rase campagne est fréquente. Bref, malgré les richesses du titre, ça manque un peu de pêche, regrettable alors que la base s’avérait propice à des déchaînements apocalyptiques.
En clair, même s’il s’inscrit dans un registre bien évidemment Progressif, l’ensemble reste assez digeste dans le genre. N’échappant pas aux écueils typiques du genre (ça part parfois dans tous les sens avec de sérieuses baisses de tension), le groupe tire pourtant son épingle du jeu grâce à de fréquentes montées d’adrénaline et aux deux chants qui modulent l’univers vocal de l’ensemble avec un savoir qui fait preuve d’une classe certaine. BEYOND THE BRIDGE pourrait donc même plaire aux personnes à priori réfractaires au Metal Prog, ce qui en soit représente un sérieux tour de force.
Mr Spok