On se demande vraiment s’il arrive à Mat Sinner de dormir ou de prendre des vacances. Comme le printemps, (ou le beaujolais) il nous revient avec une régularité de métronome, à la barre (et à la basse) de son groupe PRIMAL FEAR. Vous savez, le groupe allemand qui lorgne sans aucun complexe à la succession de JUDAS PRIEST. On peut rire ou se gausser de leur prétention, force est de reconnaître qu’ils n’ont pas à rougir de leurs titres et ce nouvel album en est la preuve. Toujours secondés par le compatriote Alex Beyrodt à la guitare, le groupe bénéficie aussi du talent son conteste du talentueux gratteur suédois Magnus Karlsson et du batteur canadien Randy Black (connu pour avoir officié chez ANNIHILATOR).
L’introduction orchestrale n’offre rien de plus que d’habitude mais au moins elle ne s’éternise pas comme d’autres **%%%$$$$ ont tendance à le faire inutilement. Et puis sans prévenir c’est l’hallali, les guitares se déchaînent, la batterie et la basse vrombissent pour ouvrir une voie halfordienne au chant de Ralf Scheppers. Tout comme son modèle, les solos de guitares s’éternisent sans partir dans des déferlements ultra-rapides à la « t’as vu comme je joue vite », le son est clair et les soli captivants de la première à la dernière note. Déjà ceux qui rigolaient au début font moins les malins, en un titre Strike, la messe est dite. Et le Gime Em Hell qui enchaîne nous convainc tout autant. Si vous comptez rentrer sous peu dans une maison de repos, passez votre chemin, les cinq teutons tiennent une forme olympique. Alors oui, ce n’est pas vraiment la subtilité qui les caractérise, mais un tel enthousiasme ne peut que s’avérer communicatif et voilà que vos guiboles se mettent à danser et que votre tête part dans tous les sens.
Pour ceux qui n’auraient pas compris suite aux deux premiers directs dans la face, la bande nous balance un Bad Guys Wear Black et son refrain qui nous enjoint de « bang your head ». A nouveau, ça a le mérite d’afficher clairement la couleur. Et les soli sont à l’image de ce qui précède. Le And There Was Silence qui enchaîne prend un démarrage sur les chapeaux de roues et lorgne vers GAMMA RAY, une impression encore renforcée par le chant qui se pose comme lorsque le brave Ralf officiait au sein de la bande à Kai Hansen. Inutile de dire qu’a l’insu de votre plein gré vos jambes partent dans une gigue infernale, et que les deux soli qui déboulent, après un pont-apéritif de bon aloi, doivent laisser des traces sur les doigts des gratteurs. Introduction simili acoustique en trompe l’oreille (la musique en trompe l’œil n’a pas encore été inventée) et un mid tempo lancinant ouvre le bal de Metal Nation. Aussi cliché que puissent paraître les titres de l’album, ils ont l’honnêteté de mettre les points sur les « i ». Petit bémol toutefois, ce tempo lent ne sied guère au titre et l’accalmie s’avère tellement brusque que la tension se relâche brutalement, seuls les soli viennent nous sortir de notre distraction. Un coup dans l’eau en quelque sorte.
La bande persiste avec une autre simili ballade Where Angels Die. Paradoxalement, la plage précédente nous a rendus plus réceptifs à celle-ci qui connaît des fluctuations d’énergie plutôt captivantes. Et avec ces montées d’énergie, ces modulations du chant, ces roulements de batterie qui viennent souligner les changements d’atmosphère, la plage s’avère franchement réussie. La mélancolie des six-cordes faisant mouche, et nous entraînant dans un solo clair et lent où ressortent à la fois la distorsion et le son naturel. La durée de la plage permet au groupe d’accélérer le tempo et de nous offrir un plongeon, mais pas tuant, dans un tempo un rien progressif avant que le chant ne revienne au devant de la scène pour une intervention calme. Ce court répit ne dure pas puisque les musiciens relancent l’électricité pour une dernière fois avant un final éthéré.
Fini de souffler, le quintette nous jette en pleine face la deuxième édition de la plage titulaire : Unbreakable (Part 2). Avec un chant qui invite à la participation, des riffs bien assassins, une rythmique bien carrée, le groupe souligne à nouveau sa parenté avec ses compatriotes de GAMMA RAY. Et les parties de guitares de s’envoler dans des contrées « Maideniennes » lors des solos.
On pensait atteindre là un certain sommet, que nenni, la bande pousse encore sur l’accélérateur avec Marching Again où le brave Randy Black doit perdre cinq kilos de sueur à chaque interprétation. Le genre de plage dangereuse si vous possédez un pacemaker. Heureusement que les refrains calment un peu le jeu. Mais les entre les déferlements des coups sur les fûts, les riffs assassins, les chœurs guerriers, les moments d’accalmie sont rares. Mais pas inexistants, un pont modéré au deux tiers de la plage nous permet de reprendre notre souffle avant que ne se déchaînent les 6 cordes.
Petit interlude balladèsque avec le très conventionnel Born Again. On passe vite, et le groupe s’excuse de cet exercice obligatoire avec des guitares qui éclatent de rage dans un Blaze Of Glory hallucinant. Bon c’est clair on va pas leur donner la palme des titres les plus originaux, mais au moins on sait à quoi s’attendre. Et c’est pas le genre de la maison de composer une ballade qui s’intitulerait speed of light, dans le type tromperie sur la marchandise. Les guitares sont royales, à croire que les deux six-cordes n’ont pas encore tout dit sur les plages précédentes et qu’ils en veulent encore. Notez qu’on ne s’en formalise pas, d’autant mois que le batteur lui aussi donne l’impression qu’il veut poursuivre jusqu’à la fin des temps. Et comme si ça ne suffisait pas, voilà que la bande remet le couvert, encore plus incisif, encore plus énergique, pour un Conviction qui n’en manque absolument pas. Pas original pour un sous, mais quelle efficacité, un titre 100 % PRIMAL FEAR.
La venue de musiciens originaires d’autres contrées a très certainement boosté un tantinet le groupe qui arrive à nous livrer ici une galette plus riche que ce qu’on était en droit de s’attendre. Alors oui, il se peut que la bande plonge dans ses propres clichés dans le futur et qu’on puisse faire quasiment un « copier-coller » de cette critique lors de la prochaine sortie. Mais quand on y met autant de savoir-faire, de conviction (réécoutez la dernière plage), force est de reconnaître que cela entraîne le respect. Et si d’aucuns prennent leur retraite, sachez que PRIMAL FEAR n’a pas l’air de vouloir raccrocher les instruments au vestiaire. On ne s’en plaindra pas. Bref, du 100 % PRIMAL FEAR, costaud, efficace, direct, sans trop de subtilités non plus (on nage pas en eaux prog non plus), les fans adoreront, et pour les autres plutôt que de passer leur chemin, une oreille attentive pourrait arriver à les convaincre qu’au-delà des clichés, c’est quand même un satané bon groupe.
Mr Spok