Depuis son premier album Dawn Patrol en 1982, le groupe officie sans honte dans la catégorie du hard rock commercial, avec des guitares puissantes mais sans effrayer les braves gens et des nappes de clavier pour plaire aux amateurs de pop music. Comme bien des groupes évoluant dans cette galaxie grand public, qu’on qualifie de Hard FM (pour signifier sa faculté d’être diffusé en radio sans faire peur), de A.O.R (adult oriented rock : une musique qui peut plaire aux ados sans horripiler les parents et grands-parents), il ne rencontre aucun succès auprès de la frange vraiment dure du public. Ce qui n’empêche pas le quintette de remporte ainsi un certain succès à la fois critique, parce que mine de rien, les gaillards savent composer et commercial. Ils persistent et signent avec leur deuxième galette en 1983 Midnight Madness qui fonce vers les sommets grâce à une ballade. Bref, c’est du rock commercial de chez commercial. Rayon musiciens, ce sont quand même des pointures, le bassiste chanteur Jack Blades est un compositeur redoutable, tandis que le gratteur de service Brad Gillis a quand même été se dérouiller les doigts chez Ozzy Osbourne. Le marteleur de fûts d’origine, Kelly Keagy est également toujours de la partie, tandis que le clavier Alan Fitzgerald et le second six-cordes Jeff Watson s’en sont partis ailleurs, remplacés respectivement par : Eric Levy et Joel Hoekstra.
Relativement inconnus chez nous pour cause de non-tournées, le groupe sort des albums régulièrement et écume les salles et stades aux USA et au Japon où sa musique rencontre un succès assez phénoménal. Les musiciens font une pause en 1996, enfin façon de parler puisque Jack Blades rejoint Ted Nugent et Tommy Shawn pour l’aventure DAWN YANKEES, groupe nettement plus pêchu, mais ceci est une autre histoire. Bref, leur carrière dans leur patrie leur suffit amplement et ils continuent à sortir régulièrement des albums. Somewhere In California est donc leur dernière galette en date.
D’emblée l’ouverture par Growin’Up In California nous plonge dans un rock carré agrémenté d’une nappé de clavier. Le riff est efficace, les chœurs et le refrain sont faits pour rentrer dans la tête dès la première écoute. Le titre n’a rien de transcendant jusqu’au solo où le brave Brad Gillis se démène comme s’il avait des fourmis rouges cannibales dans les doigts. Une excellente mise en appétit donc. L’introduction lancinante de Lay It On Me permet à une rythmique plombée de prendre possession de l’espace sonore. Nettement plus lourd que la plage précédent, le morceau séduit d’emblée, même s’il ne néglige jamais le rayon commercial avec les nombreux « wow wow wow » du refrain. Et le solo s’avère également plus que réjouissant. Avec Bye Bye Baby (Not Tonight), on aurait pu se croire dans une ballade, mais pas du tout. C’est un rock carré très commercial, très conventionnel également, qui déboule dans nos oreilles. Cela fait trois titres que la voix de Jack Blades nous régale. Il n’a sans doute pas une voix aussi Metal que d’autres, mais mine de rien, le gaillard s’y entend pour utiliser ses cordes, qu’elles soient vocales ou de celles de sa basse. Encore une fois, c’est un soliste déchaîner qui vient sortir le morceau de son côté quelconque.
Intro basse-clavier, puis sans coup férir, un gros riff anti-torpeur. On aurait pu croire que Follow Your Heart aurait été une ballade sirupeuse pour danser le slow de l’été. Que nenni, c’est un titre rondement mené. La guitare tire sur les cordes, la voix se fait plus virulente par moments. L’énergie est omni-présente et le titre varie les ambiances. Le mariage guitares claviers fait penser à des pointures telles YES. La plage est assez longue et particulièrement efficace.
Le groupe se lance alors dans la ballade de rigueur après ces titres bien costauds. Rien de neuf sous le soleil de Californie, mais la monté de fureur du milieu de titre, juste avant un solo bien emballant, permet au titre de tenir la route et de ne pas déclencher trop de bâillements. Passé cet intermède, la guitare reprend le premier rôle pour No Time To Lose Ya. Le clavier vient la rejoindre et on est reparti pour un tour de rock musclé sans surprise mais heureusement aussi sans lassitude. Gros riff de guitare, la basse la rejoint, s’ajoute ensuite la batterie et Live For Today nous offre un mid-tempo assez gentil, rempli de chœurs bien sirupeux. Bref, une plage pour la mer (oui, je sais, c’est facile), c'est-à-dire sans relief, si ce n’est quelques aspérités bien tranchantes lors du solo de guitare.
Basse et batterie se mettent à l’avant plan, une guitare légère les rejoint avant une montée en puissance (enfin, c’est du Rock FM, hein, pas du Thrash Metal quand même). It’s Not Over continue donc dans la même veine que les titres qui l’ont précédé. Encore une fois, dès que la parole est donnée à Brad Gillis, on a l’impression de changer de dimension, ses soli font merveille et celui-ci n’échappe pas à la règle, heureusement pour nous. Mais ce titre est aussi une preuve qu’on a rapidement fait le tour du groupe, les chansons correspondent toutes au même moule.
Avec End Of The Day, on se retrouve avec une intro qui fait immanquablement penser aux Scorpions. Même la façon dont Jack Blades pose sa voix sur la mélodie fait penser à Klaus Meine. Remplacez l’américain par le teuton, vous n’y verrez que du feu. Alors évidemment, c’est plus la période commerciale des allemands dont il est question ici, ce n’est pas un titre qui fait référence à la belle époque royalement hurlante des arachnides germanophones, mais le titre a un petit côté séduisant qui n’est pas pour nous déplaire. L’introduction de Rock’N’Roll All Nite nous donne une impression plus que positive, mais le couplet calme nos ardeurs par son côté trop mou. Dommage parce que le refrain explose, donne envie de sauter et de hurler tandis que le solo, ben c’est un solo de l’ami Brad, pas besoin d’en écrire plus, il ressemble presque à une compilation des précédents, c’est dire. Bref, on jette les couplets et on garde le reste. L’album se termine par un autre titre qui fait craindre la ballade immonde, mais qui est condensé de rock Say It With Love.
Donc, NIGHT RANGER ne pratique pas la remise en cause et ne cherche pas à évoluer, se contentant de composer ce qu’on attend d’eux. Bref, les amateurs de Rock royalement aseptisé seront aux anges car dans le genre, c’est assez parfait. Par contre, ceux qui recherchent quelque chose de plus épicé à se glisser dans les oreilles passeront leur chemin.
Mr Spok