Lingua Mortis Orchestra – Lingua Mortis Orchestra
Nuclear Blast

Il était une fois un groupe de Metal allemand qui voulait sortir des sentiers battus. Ils firent appel à un ensemble classique, l’orchestre philharmonique de Prague pour enregistrer leur album LINGUA MORTIS. Ce groupe, c’étaient les Allemands de RAGE. Aujourd’hui, ils décident de s’effacer derrière le nom LINGUA MORTIS ORCHESTRA qui met en avance la prestation d’un orchestre et la présence de deux chanteuses : Jeannette Machewke et Dana Harnge. Le chant masculin et guttural étant pris en charge par le bassiste Peavy Wagner, les guitares par Victor Smolski et la batterie par André Hilgers. Deux orchestres furent impliqués dans l’enregistrement, un venant d’Espagne, l’autre de Russie, tandis qu’on retrouve même Henning Basse (ex-METALLIUM) aux backings vocals. Et comme on fait appel à la crème de la crème pour les musiciens, au rayon production on se paie les services de Charlie Bauernfeind (BLIND GUARDIAN, HAMMERFALL) rien que ça.

On allume le feu avec Cleansed By Fire qui commence par un chant sur une musique feutrée, puis débarquent les chœurs d’Église. Petit à petit l’orchestre prend sa place. La tension monte encore d’un cran lorsque l’électricité et la batterie se joignent aux instruments classiques alors que la vitesse s’accélère. Le tempo se ralentit, la voix chaude de Peavy Wagner rentre dans le jeu avec une rythmique en sourdine, quand la célérité et l’énergie des instruments électriques monte d’un cran, le tempo s’accélère et les chœurs féminins se joignent à Peavy. On n’est pas encore à la moitié du premier morceau et les variations sont déjà fabuleuses, on devine que les musiciens font plus que maîtriser le sujet. Véritable pièce d’orfèvrerie, le morceau n’en néglige pas pour autant sa partie Metal qui éclate dans le dernier tiers sans évidemment que les instruments classiques quittent la scène, le mélange des genres s’avérant ici totalement assumé et prodigieusement efficace.

Sans coup férir, on passe à Scapegoat, la transition est tellement courte qu’on est surpris. La voix du chanteur opte pour un ton plus agressif avant de retrouver son timbre plus habituel. Le mélange rythmique metal carrée et orchestration fait merveille. Les chœurs féminins rajoutent une couche de plaisir. Le guitariste se défoule allègrement, son solo en legato s’avère fabuleux puis il bifurque vers d’autres horizons, et on a l’impression qu’il ne va jamais s’arrêter. Une claque.

L’orchestre se partage l’intro avec les instruments électriques, puis la fureur s’efface pour laisser place au chant féminin / masculin. Et la sarabande repart de plus belle pour s’arrêter à nouveau. Avec ces oscillations d’énergies et ce jeu des différences de voix et la présence du piano à l’avant plan de l’orchestre, on retrouve en quelque sorte des constructions proches d’un SAVATAGE. Et The Devil’s Bride ne fait pas honte à la comparaison mais elle s’arrête là, car par la suite la plage prend la tangent Smolski lors d’un solo enflammé pour laisser le dernier mot à l’orchestre.

Début en ballade mélancolique au piano pour Lament. L’orchestre est en arrière-plan derrière le clavier, les voix masculines et féminines se répondent, se mélangent. Les voix se font dialogue. Dans le registre, c’est bien fait et terriblement calme. Un excellent moment de respiration qui se poursuit avec Oremus qui s’ouvre sur une voix murmurée et laisse une guitare électrique bien sage quasi seule à l’avant plan avec des chœurs au fond.

Les affaires sérieuses reprennent dès le démarrage de Witches’Judge qui voit un jeu de réponse entre la guitare et l’orchestre, sur fond de rythmique bien carrée. A nouveau un dialogue à deux voix avant que le chant masculin ne taille dans le vif du sujet. En guise de solo, c’est l’orchestre qui prend la proéminence lors du premier, puis tous se rejoignent avant que la guitare de Victor s’impose pour un court solo, le final laisse la place à l’énergie brute.

De nouveau une superbe et très longue composition de plus de neuf minutes. Eye For An Eye nous offre toutes les facettes du groupe, toutes les options du Metal symphonique, du chant, des instruments. Des superbes parties orchestrales aux soli magnifiques de la six cordes en passant par les parties au piano, des accélérations aux temporisations, des chœurs d’opéra féminin au chant masculin en passant par le mélange des timbres vocaux.

L’Afterglow qui suit peine donc à vraiment réitérer l’exploit qui vient de s’offrir à nous, même si la constitution de l’ossature de la plage reprend des éléments qui ont déjà fait mouche précédemment. Heureusement que l’intervention du soliste ravive l’attention qui s’était quelque peu dissipée dans cet univers plus aseptisé et moins flamboyant.

Straight To Hell ne démarre pas vraiment sur les chapeaux de roues comme on pouvait l’espérer avec un tel titre, mais c’est pour mieux nous laisser la surprise de l’ascension énergétique. Et ce rythme un peu Jazzy Music-Hall fait merveille, d’autant plus qu’il alterne avec une pression Métallique très forte dont un époustouflant solo. Un titre court mais fabuleux. L’idéal pour de nouveau changer le fusil d’épaule avec une longue plage plus symphonique qui démarre en douceur mais passe rapidement à l’énergie sulfureuse One More Time. Encore une fois, la maîtrise totale de la matière nous offre une pièce d’orfèvrerie.

Sans révolutionner le Metal Symphonique, cet album s’offre à nous comme un plateau de mille-feuilles. Chaque plage possédant de multiples couches variées tout aussi captivantes les unes que les autres, tous les instruments réjouissent nos pavillons. Avec seulement dix plages, mais de durée assez longue, le groupe laisse son imagination au pouvoir. La présence des multiples voix, des instruments variés, la différenciation des plages entre elles, on ne s’ennuie pas un seul instant. Une éclatante réussite qui devrait réjouir les fans de RAGE et les autres.

Mr Spok