Vanden Plas – Chronicles of the Immortals
Frontiers Records

Au-delà du fait que Vanden Plas est souvent comparé à des groupes comme Dream Theater, il est maintenant devenu indéniable qu’ils ont su imposer leur propre style. A fortiori après les nombreux albums de qualité qu’ils ont sortis depuis le début de leur carrière.

Toutefois, en tous les cas pour ce qui me concerne, on pouvait avoir l’impression qu’il n’y avait plus trop de prises de risque (justement) de la part du leader Prog allemand.

Je n’irai pas jusqu’à dire que leurs réalisations successives se ressemblent (loin s’en faut). Non, non le cas n’est pas si trivial que cela. Les albums sont brillants. A chaque fois une thématique nouvelle est abordée. Les compositions sont inventives, variées même. Le groupe progresse. Mais alors « qu’est-ce que j’ai docteur ? ». Sans doute comme je l’ai lu dans une autre chronique relatant ce même album, le groupe ne sortait plus trop de sa zone confort.

Et clairement avec cette nouvelle réalisation, un point d’inflexion a été enclenché. Et la désormais classique ribambelle de clichés sur le groupe qui revient à ses premières amours est (encore une fois ici aussi) d’application.

La clé de lecture pour  Chronicles of the immortals  est pour moi l’album Accult sorti en 1996. Car clairement Vanden Plas est revenu à un style plus épuré. Plus dépendant des mélodies vocales et certainement moins des exploits techniques de ses musiciens. Et ce avec une petite touche symphonique en plus par rapport aux albums précédents. Ce n’est donc pas une révolution car Vanden Plas excelle dans son registre (et aurait tort de s’en passer). Moins de surenchère donc (sans nul doute une des raisons pour lesquelles on leur accolait le surnom de Dream Theater allemand). Non, ici Vanden Plas revient à l’émotion pure portée par de somptueuses lignes de piano. Et c’est pourquoi je rapproche cet album de celui, acoustique, sorti dans les Nineties.

Il ne faut toutefois pas perdre de vue que cet album (comme tout album qui se veut un tant soit peu intègre) est une photographie de ce qu’est Vanden Plas à l’heure actuelle. Et donc avancer la thèse d’un retour aux sources reste (très) réducteur. Il s’agirait plutôt d’une superposition de tout ce que Vanden Plas a produit depuis leurs débuts. Et ce n’est d’évidence pas le fruit d’une quelconque formule savamment pensée par nos proggistes allemands. Tout du contraire ! La spontanéité est ici de mise. Et l’auditeur averti de constater que nous nous trouvons ici devant un groupe qui serait (peut-être) en train de muter. Ce qui franchement, entre nous soit dit, arriverait à point nommé. Que les fans de cette formation ayant emprunté le nom à un célèbre concepteur de voitures se rassurent : si mutation il y a, elle ne reste que partielle. Nous pourrions parler d’un « rafraîchissement de style ». Günter Werno, claviériste de cette formation qui affiche déjà près de deux décennies d’existence (et se trouvant en être un des leaders) n’est certainement pas étranger à tout cela. Et ce n’est pas étonnant vu la place prise par cet instrument (piano, claviers) au sein de VDP.

Apparemment, ce recueil de morceaux a pour base inspiratrice une saga écrite par un auteur allemand s’étant écoulée à plusieurs millions d’exemplaires. Et c’est d’ailleurs par une Voix Off narrative que démarre cet album. Mais évitons l’amalgame de décrire une évolution de type « du technique au mélodique ». Car déjà dans l’album Beyond Daylight , la mélodie était mise en avant. Mais lorsque c’était le cas, le côté technique n’était jamais bien loin.

Mais qu’entend-on par plus mélodique ? Certainement plus de place est laissée aux émotions. Qu’elles soient empruntes de mélancolie ou d’énergie. En fait, on a le sentiment que Vanden Plas ne se sent plus obligé de « faire du progressif » à tout prix. La deuxième plage (Vision 2wo) est assez caractéristique d’un style plus symphonique. Tout est poussé vers « le plus » dans cette réalisation. Les lignes de pianos sont superbes. Le Prog est du vrai Prog que ne renierait pas Threshold. Le tout est certainement moins mélodramatique et plus « sec ». Donc un autre paradoxe vient se rajouter. Il y a clairement un aspect plus clinique à toutes les parties progressives. Ce qui est un point commun avec Threshold. Mais d’un autre côté, l’aspect mélodique est plus exploité également. Je dirais que technique et émotions sont moins mêlés et plus contigus. Et cela renforce ces deux aspects mutuellement. Bien joué les gars : car cela rend une écoute d’une traite de cet album beaucoup plus agréable. Alors que des réalisations précédentes pouvaient s’avérer quelque peu indigestes.

Avec Vision 3hree, Godmaker, nous retrouvons le « style Vanden Plas » dans sa plus grande splendeur progressive. Dans ce morceau, l’ADN musical de Vanden Plas transcende toute considération sur une éventuelle morphologie musicale prise par le groupe. C’est LE titre qui vient nous rappeler que Vanden Plas est et sera toujours Vanden Plas.

Vision 4our commence par des notes de piano qui remettent un peu l’émotion et la douceur à l’avant-plan. Ici encore les lignes de piano sont lumineuses et ne feraient pas tache dans la BO d’un grand film. Günter Werno est, en plus d’un grand pianiste et claviériste, un grand compositeur. Nous évoquions un style plus clinique plus haut. Et bien, la formation allemande se plait à nous faire mentir. En tous les cas le temps de cette plage.

La cinquième plage Vision 5ive : A Ghost Requiem est caractéristique de cette nouvelle orientation prise par les Allemands. En quelques mots : inventivité, univers sonore, aspect symphonique renforcé, guitares encore plus heavy. Tout est « plus » dans cet album, qu’on se le dise. Vanden Plas et Threshold sont contemporains, pour notre plus grand bonheur. Et Vision 6ix : New Vampyre, en plus d’être superbe, mélange ce que Vanden Plas peut nous proposer de mieux. Avec en plus des éléments « à la Threshold ». Surtout au travers des lignes de claviers dignes de Richard West de Threshold. Vanden Plas ou un spectre progressif d’une largeur inouïe.

Une intro orientalisante et très vite une énergie folle ! Vision 7even : The King and the Children of Lost World. La rythmique est très proche de ce que Threshold a l’habitude de proposer. Décidément ! Mais (pour ce morceau tout le moins), la comparaison entre ces deux porte-drapeau du Prog s’arrête là. L’auditeur (et amateur) se doit d’être ébloui par le Vanden Plas « made in 2014 ». Les mélodies vocales (et le refrain notamment) sont toujours aussi lumineux. C’est un des points forts de Vanden Plas, sans conteste. Cette composition nous révèle une toute nouvelle facette du combo allemand. Passages pêchus et passages plus mélodiques s’alternent. J’écrivais plus haut qu’ils se renforçaient mutuellement. C’est encore plus vrai ici. Mais ce morceau a ceci de particulier que la mélodie et l’énergie cohabitent (respectivement le chant et les guitares). A noter que les solos de guitare sont impeccables.

Les principaux compositeurs de cet album sont Günter Werno (piano, claviers), Andy Kuntz (chant) et Stephan Lill (guitares). De façon très claire, Werno et Kuntz s’y collent pour le huitième chapitre de cette histoire revisitée à la « sauce Vanden Plas ». Morceau tout en douceur et en crescendo émotionnel qui constitue une petite respiration dans cette album d’une densité incroyable.

Avec Vision 9ne, VDP se présente sous une forme n’ayant que rarement aussi testostéronnée. On redécouvre VDP ! Stephan Lill (guitares, composition) en est en partie l’instigateur ! C’est sûr ! Cohabitent orchestrations et guitares plus heavy. Et tout cela nous fait penser que VDP a (en effet) quelque peu mué. Peut-être seulement l’espace de cet album, mais cela m’étonnerait ! Ils nous présentent des ressources créatrices dont on ne se doutait pas.

L’album se termine tout en intensité et inventivité pour définitivement nous asseoir dans notre impression générale d’un album qui est (et sera) sans doute charnière dans leur carrière.

Vanden Plas touche certainement un public beaucoup plus large que celui habitué à la Scène Prog. Car en effet, de nos jours, le métal dit mélodique a pris beaucoup de place. Que ce soit chez les amateurs de hard rock ou de pur métal. Même la scène métal plus extrême se veut souvent progressive. Bref, à l’heure actuelle les styles sont souvent hybrides. Et cela explique que le public de Vanden Plas soit très large. A fortiori pour cet album qui pousse toutes les facettes du groupe vers le plus.

Ignacio